Je pense que ça mérite un sujet à part entière, en tout cas pas au milieu de la discu' actu sur TPP.
Beware, wall of texts are comin'.Le début de la discussion a donc lieu
ici, si jamais.
D'abord, question préliminaire pour flying_fox ; la personne dont tu donnais la vidéo est-elle la même que celle qui provient de deltaheadtranslation ? Il y a bien le nom en commun mais aucun des deux sites ne fait référence à l'autre, le twitter lié à la chaîne youtube n'en fait pas mention non plus, etc.. Donc je me demandais.
Mais bref, y a de quoi discuter de cette vidéo. Je ne vais pas faire dans le détail de ce qu'il dit tout de suite, faute de temps ; cette nuit ou demain, si possible. Parce que je ne trouve pas forcément ça beaucoup plus pertinent que l'autre article. Il m'a bien fait marrer en citant que le jeu manquait de respect aux femmes par les plans sur les fesses de Meryl... Alors que le jeu fait aussi des plans tendancieux sur l'arrière-train de Snake et que ça n'a pas l'air de le déranger plus que ça.
En fait, mon principal problème avec le point de vue donné par l'article, c'est qu'il est caricatural et qu'il va chercher des détails mineurs, les surinterpréter et en donner des conséquences incroyables, sorties du chapeau.
Et mon vrai problème, c'est que ça gâche complètement une vérité. Parce que si c'était un article pour m'expliquer que MGS était un jeu de propagande illuminati, ou autre truc totalement absurde, ça ne me dérangerait pas. Ce serait juste débile, au mieux ça me ferait marrer de me demander si des mecs arrivent à croire des trucs aussi gros que ça, et je passerais à autre chose. Mais là, non. Pourquoi ?
Parce que je suis persuadé que Metal Gear Solid est un jeu sexiste.Mais pas plus que ça, en fait. Pas plus qu'une très grosse majorité du reste de notre culture vidéoludique, cinématographique et télévisuelle, en fait. C'est un jeu qui est le produit de son temps et on vit dans un monde où l'égalité des sexes n'est conceptualisée et acquise légalement que depuis... Pas si longtemps, et pas partout bien intégrée et où elle n'est encore qu'en phase de réalisation.
MGS, c'est un jeu qui cible un public masculin et reprend un tas de codes de l'action-flick des 80s ; plein de codes des films d'espionnage et de conspiration aussi, mais là n'est pas le problème. Du coup, c'est un jeu qui est sexiste comme tant d'autres jeux / films. Tiens, un truc bête : citez-moi des films d'action ayant une femme dans le rôle principal, là comme ça, sans réfléchir. Perso, le premier qui me vient à l'esprit, c'est
Kill Bill. Si je veux faire de la mauvaise foi, ça fait deux films, mais bref. Y en a quelques autres, bien sûr, presque tous assez récents. Mais dans quelle proportion par rapport à l'avalanche de films d'action ayant un main cast quasi-exclusivement masculin - avec évidemment au moins une gonzesse que le héros viril va se taper ? Ces films restent une large minorité, et ça vaut aussi pour les films policier et autres. Pas évidemment pour les romcoms, moins pour les films d'horreur, etc..
On a encore très largement des rôles essentiellement réservés aux hommes, et d'autres essentiellement réservés aux femmes. C'est en voie d'amélioration, mais on n'est pas encore au bout du chemin. Et au sein de ça, ben MGS ne fait pas vraiment exception.
The Boss - MGS 3 - vient quelque peu contredire mon propos. Quelque peu uniquement ; MGS 3 n'arrive qu'après quatre autres opus canoniques dans la saga Metal Gear, et, si le perso est impressionnant de ce point de vue là, il reste un peu isolé. The Boss arrive à être féminine, maternelle, et en même temps un soldat hors-pair, avec une éthique, et une profondeur telle qu'elle va être l'inspiration plus ou moins directe - et plus ou moins bien comprise - de tous les personnages principaux de la série. C'est fort, quand même.
Bon, sauf que c'est un peu la seule ; Eva est un rôle féminin certes important, mais qui joue beaucoup sur le cliché de la femme fatale, et ça s'arrête un peu là (et MGS4 ne vient pas adoucir le portrait)...
Et puis, il suffit de faire les comptes : quelle proportion de personnages féminins par rapport aux personnages masculins ? Pourquoi tous les gardes dans MGS 1 / 2 / 4 semblent être des hommes ? Pourquoi l'unité Beauty and the Beast, qui traite des ravages de la guerre sur la psyché des individus, n'est faite que de femmes ? Honnêtement, la liste peut être assez longue.
Et donc de tout ça, je déduis que MGS est, comme la plupart des films / jeux vidéo de notre époque, empreint de sexisme, en effet. C'est regrettable - débattable aussi, hein - mais ce qui est regrettable c'est de vouloir aller chercher des trucs aussi pitoyables que "On ne montre pas les hommes en train de pleurer sauf Otacon mais ça ne compte pas, donc c'est sexiste" alors qu'il y a des tas de faits beaucoup plus construits pour amener ce débat.
Et puis surtout, c'est faire comme si MGS était en cela une exception, ce qu'il n'est pas, et comme si c'était un choix volontaire visant à rabaisser les femmes, ce qui n'est à mon sens évidemment pas le cas - mais je suppose que c'est également débattable.
Et enfin, c'est quoi cette réaction débile de Howell de dire "ça ne me plait pas, alors je ne ferai pas plus d'analyse là dessus". Plusieurs réactions par rapport à cela :
(1) Ce n'est pas parce qu'on n'apprécie pas l'auteur, ou que l'on a des doutes sur ses intentions, que l'on doit se priver de l'étudier. Le truc le plus évident à citer, c'est Céline. C'était un antisémite notoire, et un mec avec qui je n'aurais pas envie de prendre un verre, ni même d'avoir une discussion, en fait. Est-ce que
Voyage au bout de la nuit doit pour autant être oublié, et ne pas être lu, alors que c'est un véritable chef d’œuvre ?
(2) Les choses sont à remettre dans leur contexte. Sans doute - je l'espère - dans vingt ou trente ans, on regardera notre création vidéoludique et cinématographique et on se dira "Putain, c'était vraiment des attardés de macho, les gens, à cette époque". De la même raison qu'on peut lire
Tintin au Congo, pour reprendre un exemple qui a fait couler de l'encre récemment, et se rendre compte que c'est une belle accumulation de poncifs stupides. Est-ce que pour autant, il faut arrêter d'en parler, arrêter de lire ladite BD, voire l'interdire ? Mais wtf, non ; il faut en parler, la remettre dans son contexte, voir ce qu'elle a de regrettable. Pas tenter de la censurer parce qu'elle est issue d'un contexte qui n'est plus le notre et qui ne nous parle plus - d'autant que c'est une accumulation de poncifs regrettables mais qui n'a jamais eu pour intention de prôner une suprématie de la race blanche... Ce n'est pas un traité politique.
(3) J'ai déjà amorcé ce point mais... Justement, si on trouve que l’œuvre véhicule des messages douteux en douce, il FAUT les analyser, s'exprimer dessus, en débattre. C'est comme ça qu'on fait avancer les choses. Pas en disant "Ah non, en fait je trouve ça pas bien alors je ne fais plus d'analyse dessus". C'est d'une absurdité... C'est un peu du même niveau que si je déclarais, moi qui balance à tout bout de champ la "formal analysis" que je trouve passionnante, que puisque je n'aime pas cette vidéo d'opinion de l'auteur et que je ne suis pas d'accord avec ce qu'il dit, je vais arrêter de parler de son analyse et de ce qu'il a fait avant, parce qu'il est méchant, voila, na.
Bref, voila mon opinion, et je pense que c'est un sujet suffisamment vaste et important pour qu'on en discute sans faire dériver l'autre thread plus que ça.
tl;dr
- MGS est un jeu vidéo empreint de sexisme
- Mais il n'est pas le seul ; il intervient dans un contexte et une société encore largement sexiste, dans sa répartition des rôles, dans les représentations culturelles, même si on peut espérer que cela continue d'évoluer et de s'améliorer
- Du coup le blog "et tu" me paraît très nul et très mauvais, parce qu'il s'attache à des trucs insignifiants, surinterprétés à souhait, alors qu'il y a des arguments concrets beaucoup plus efficaces, convaincants et... réels.
- Et du coup la vidéo de Howell est ridicule à souhait elle aussi, parce qu'il part sur le même genre de considérations et qu'en plus il en tire une conclusion absurde au possible à base de "puisque je ne suis pas d'accord avec le message, je vais arrêter d'en parler".