Kojima : L'idée derrière cette séquence était d'avoir une échelle impossible à grimper, une échelle que le joueur emprunte sans jamais en voir le bout. Il s'agit avant tout d'une épreuve destinée à tester l'amour du joueur pour MGS. Si le joueur abandonne et décide de rebrousser chemin,il ne verra jamais la fin du jeu. Mais si le joueur aime vraiment MGS, alors, quoi qu'il arrive, il continue. Et les échelles sont indissociables de Donkey Kong, c'est un peu une sorte d'hommage au travail de Monsieur Miyamoto. On peut entendre le thème de Snake eater durant cette séquence. En tout, on l'entendra quatre fois dans le jeu. Au moment du générique, à l'échelle, dans la grotte et pendant le combat final. Il s'agit de préparer le joueur pour qu'il lie une relation particulière à ce thème : au moment du duel final, l'effet produit s'en trouve décuplé.
Chronic'art : On vous sait père d'un petit garçon. La paternité a-t-elle eu une influence sur votre vision du jeu vidéo ?
Hideo Kojima : Lorsque j'étais enfant, mes parents et mes professeurs considéraient la TV et les manga comme des ennemis naturels de l'éducation. Des organisations éducatives sont parvenues à faire censurer certains manga et programmes télé en prétextant qu'ils avaient une influence négative. Je pense pourtant que ces divertissements m'ont beaucoup appris lorsque j'étais gamin. Certaines choses concernant la société, la vie, et le monde dont l'éducation scolaire ne fait jamais mention. Actuellement, ce sont les jeux qui sont dans la ligne de mire. Les parents ne jouent pas et considèrent les jeux vidéo comme anti-éducatifs sous prétexte qu'il s'agit d'outils ludiques. Je suis d'accord pour dire qu'il existe des "mauvais jeux". Tout comme il existe des "bons jeux", c'est la même chose qu'avec "la mauvaise éducation" ou "le mauvais cinéma". Passer son temps à jouer plutôt qu'à étudier est bien entendu néfaste, mais je suis persuadé qu'il y a des choses à apprendre des jeux vidéo. En tant que père, je m'efforce de créer des "bons jeux". La création, ça n'est pas seulement du business. Lorsque vous considérez leur influence, vos oeuvres ont également un devoir social. Cette conviction a été renforcée depuis la naissance de mon fils.