Aussi longtemps que je me souvienne, des voix n’ont cessé de solliciter un remake des deux premiers Metal Gear. Cela commença silencieusement parmi certains fans ignorants et dotés d’une connexion Internet à mille lieues de celle qu’on connaît aujourd’hui. Ce qui ne les empêchaient pas de réclamer un remake de la version NES de
Metal Gear (pourtant elle-même un remake). Au fil du temps, la série gagna en popularité et les jeux MSX originaux devenaient de plus en plus connus par des fans habitués à ce que la série se fasse appeler
« la saga Metal Gear Solid » par les pseudo journalistes. À chaque nouvel opus, cette demande devenait de plus en plus importante.
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Inutile de remplacer Kyle Reese par Jack Bauer, non ?
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Personnellement, je ne l’ai jamais souhaité. Je méprise l’idée des remakes. Non. En réalité, ce n’est pas tout à fait vrai. Il y a quelques années, j’ai soumis l’idée d’un remake en HD dont les sprites 8-bit seraient remplacés par des illustrations dessinées à la main, à l’instar du remake HD de Street Fighter 2. Cependant, ce n’est pas le type de remake dont je fais référence ici, celui dont les gens ne cessent de réclamer. Le type de remake qu’il est question est celui qui transforme le jeu original en un nouveau jeu en trois dimensions destiné à une nouvelle génération de joueurs.
C’est sûr, l’année 1987 ne date pas d’hier. Et il existe parmi nous des fans qui sont plus jeunes que la série elle-même. Mais, à moins que vous ne découvriez la série aujourd’hui, demandez-vous comment avez-vous évolué depuis la première fois que vous avez joué à un Metal Gear. Comme vous, la série a également évoluée au fil du temps. Avec elle, les améliorations, les changements techniques, la narration conventionnelle, l’univers fictif existant, et même
Hideo Kojima.
Metal Gear était le premier projet de Hideo Kojima en tant que game designer. À cette époque, il bataillait ferme avec Konami et il pensait
sérieusement à quitter l’industrie du jeu vidéo. Aujourd’hui, l’homme est vice-président de Konami Digital Entertainment.
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Cependant, je ne serais pas contre de nouvelles illustrations de Yoji Shinkawa.
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Ce qui marque le plus les jeux originaux du reste de la série est l’écart temporel important entre
Metal Gear 2 : Solid Snake et
Metal Gear Solid. Une période de huit ans s’est écoulée sans qu’aucun nouvel opus ne voie le jour dans la saga Metal Gear. Même si je reconnais que c'est
Metal Gear qui a donné la vie à toute la saga, je recommande chaudement aux fans de ne pas manquer l’occasion de jouer à
Metal Gear 2 : Solid Snake. D’ailleurs, il n’est pas nécessaire de jouer au premier pour comprendre l’histoire du deuxième épisode. Les résumés proposés dans le menu
Previous Operations de
Metal Gear Solid suffisent amplement.
« Mais ! » me lancerait l’avocat du remake
« Ce serait bien que les fans puissent vivre la victoire de Snake face à son ex-supérieur dans une configuration identique de la saga Solid. Surtout aujourd’hui, avec les capacités qu’offrent le Fox Engine. N’êtes-vous pas d’accord ? » Peut-être que oui, mais je lui répondrais que ce remake serait totalement différent de ce qu’il imagine.
Avant de continuer, je voudrais d’abord souligner une chose. Il semblerait que ceux qui aiment véritablement les épisodes originaux ne souhaitent pas de remake, contrairement aux autres qui n’ont jamais pris la peine d’y jouer. Évidement, je suis certain qu’il y a des exceptions. Mais cette observation se tient puisque le type de remake que demandent les fans aboutit généralement à des jeux complètement nouveaux qui remplacent l’original. Il est impossible de faire autrement. Nous en avons tellement vu depuis 1990.
Quelques jours avant l’E3,
Hideo Kojima révélait une carte de la zone jouable afghane de Metal Gear Solid V : The Phantom Pain. En surimpression, on pouvait apercevoir les zones jouables de chaque épisode canonique de Metal Gear que Hideo Kojima a réalisé afin de démontrer l’immensité de
The Phantom Pain. Observez les cartes de
Metal Gear et
Metal Gear 2. Comparez leur taille avec les titres qui les ont suivis. En combinant
Outer Heaven et
Zanzibar Land, on se retrouve presque avec une carte comparable à celle de
Shadow Moses. Même la carte de
Ground Zeroes, l’épisode qui a été décrié comme étant une vulgaire démo, est plus grande que celle des jeux originaux.
Cela semble étrange parce que
Metal Gear et
Metal Gear 2 donnent la sensation d’être plus grands. Pourtant, toutes ces cartes sont bien à l’échelle. Toutefois, il faut garder à l’esprit que les cartes dans les jeux originaux étaient construites en petits tableaux. Ils étaient dévoilés chacun à leur tour à l’écran, où le joueur avait une quantité d’actions limitée. Si le
Camp Omega était porté dans
Metal Gear 2 : Solid Snake, la différence de taille se ferait clairement ressentir à son avantage.
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Vous trouvez le duel contre Revolver Ocelot trop facile avec le tranquillisant ? Imaginez un peu le résultat avec le Reflex Mode de Metal Gear Solid V !
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Lorsque
Silicon Knight recréait
Metal Gear Solid en
The Twin Snakes, l’équipe prit la même carte que l’original – en y faisant quelques ajustements comme celui d’inclure quelques casiers ici et là – et la portait dans le moteur graphique de
Metal Gear Solid 2 : Sons of liberty. L’intelligence artificielle des ennemis de MGS2 était développée en fonction du nouveau terrain de jeu dans lequel le joueur pouvait se cacher. Ainsi, la visée à la première personne de
Sons of liberty faisait pâle figure dans un jeu qui ne tenait pas compte de cette nouvelle mécanique. Au final, le joueur se sentait claustrophobe pendant les phases d’alertes, cherchant péniblement une cachette potentielle. Pourtant, il n’était pas difficile de s’infiltrer dans le nouveau Shadow Moses en raison des chemins empruntés par les gardes qui n’étaient pas pensés pour résister au pistolet tranquillisant du joueur.
Metal Gear Solid 2 : Sons of liberty a été réalisé seulement trois ans après
Metal Gear Solid. Une seule génération de console sépare les deux jeux. Quant à
Metal Gear et
Metal Gear 2 : Solid Snake, c’est près de quinze ans qui sépare ces deux titres avec la PlayStation 4 et la Xbox One. Soit cinq générations de consoles depuis la conception de la MSX2. Il est tout simplement impossible de porter les titres originaux et de les faire fonctionner avec le gameplay moderne. Et ne parlons pas de la narration.
Même si le script de
Metal Gear 2 est plus riche que celui de
Metal Gear, il ne dispose que de 6700 mots environs. C’est bien peu en comparaison de
Metal Gear Solid V : Ground Zeroes dont on estime le millier de mots rien que pour ses cassettes audio. Quoi qu’il en soit, chaque épisode, depuis
Metal Gear Solid, explose le compteur. Même en additionnant le script de
Metal Gear et
Metal Gear 2, il faudrait augmenter la narration pour la mettre à niveau.
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* Seulement les cassettes audio, sans les K7 disponibles dans Peace Walker. ** Comprend toutes les conversations radio.
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Au premier abord, remettre la narration au goût du jour peut sembler être une bonne idée. Mais pensez à tout ce qui doit être adapté. L’idée que Snake doit parcourir Outer Heaven pour trouver des cassettes audio qui racontent ce qui est arrivé à Big Boss entre 1984 et 1995 peut s’avérer intéressant. Mais là n’est pas le problème. Je fait plutôt référence à la narration principale. Y aurait-il encore de la place pour rajouter de nouvelles choses ? Et ce n’est pas un briefing qui pourrait changer la donne. Il faudrait ajouter des détails inutiles aux personnages existants pour rendre le jeu « moderne ». De même que de nouveaux personnages apparaîtraient probablement pour faciliter la taille de la narration.
En d’autres mots, on ne pourrait faire autrement que de se forcer à remplir le vide. Je n’appelle pas ça du développement de personnage, parce que la plupart d’entre-eux n’ont pas besoin d’être développé d’avantage. Certes, les partisans du remake souhaitent aussi que des rectifications scénaristiques soient apportées. Mais au bout du compte, un vrai remake se retrouvera obligatoirement confronté à des paradoxes, compte tenu de la complexité de la série. Moderniser des jeux sortis en 1987 et 1990 obligerait leurs scripts à devenir tout aussi complexes sans omettre de nombreuses erreurs.
Outre la requête de
Metal Gear 2 : Solid Snake de voir un monde sans armes nucléaires et les quelques références à l’Union Soviétique dans un jeu se déroulant en 1999, les seuls « paradoxes » que l’on rencontre sont technologiques, comme le Metal Gear lui-même. Si c’est aussi ce que sont supposé rectifier les remakes, regardez alors Rex de
Metal Gear Solid et comparez-le avec la technologie que l’on trouve dans
Peace Walker. Devrions-nous faire un remake de tous les Metal Gear pour justifier l’existence d'un p... d'
iDroid en 1975 ? Quant à la « grande annonce » selon laquelle Snake découvre que Big Boss est son père à Zanzibar Land,
tout cela est un mythe. Ça ne s’est pas vraiment passé.
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The Joy.
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Alors, que pourrait bien apporter un remake des jeux originaux à la série ? Nous savons déjà ce qu’il s’y passe. Qu’est-ce qu’un remake aurait de plus à nous offrir ? Je suis entièrement d’accord sur le fait de conclure l’histoire de la série. Si je devais choisir entre un remake et un prequel avec
The Boss, je choisirais ce dernier sans hésiter. Je sais ce qu’a fait The Boss durant la Seconde Guerre mondiale. Je sais qu’elle a donné naissance à Ocelot et qu’elle tuera le papa de son fils plus tard. Mais c’est à peu près tout. Faire un jeu à partir de ces thèmes apporterait de nouveaux éléments à la série.
Hideo Kojima lui-même semble vouloir travailler sur autre chose que sur des remakes de vieux jeux. On est d’accord, il y a eu
The Twin Snakes, mais le projet a été confié à Nintendo qui, à son tour, l’a donné à Silicon Knights. Et quand Hideo Kojima est interrogé sur le jeu qu’il souhaiterait refaire avec le
Fox Engine s’il devait en faire un,
il répond « Metal Gear Solid » en précisant qu’il n’est pas un grand fan des remakes. En d’autres mots, même Hideo Kojima n’est pas intéressé à réaliser des remakes des jeux originaux. Il préfèrerait consacrer son temps et son énergie sur de nouveaux projets.
Tout vieillit. Je sais que
Metal Gear Solid V et le
Fox Engine attisent les passions partout en ce moment. Mais il viendra un jour où nous regarderons tout ceci de façon amusée, de la même manière que nous l’avons fait avec les titres sortis sur PlayStation et PlayStation 2. Chaque jeu a brillé en son temps. Même
Peace Walker, si on prend en considération la console pour laquelle il a été créé. Doit-on vraiment continuer à en faire des remakes afin de les adapter au style et à la narration moderne des jeux, alors qu’ils n’ont pas été prévus ainsi ?
Rendre accessibles de vieux jeux pour les nouvelles générations devrait être encouragé. Même s’il y a de petites retouches afin que le jeu devienne plus amusant sur les nouvelles plates-formes qui les accueillent. Mais il faut rester cohérent avec l’histoire. Le fait de transformer entièrement ces jeux en de nouvelles expériences prend du temps. Et ce temps pourrait être utilisé pour de nouveaux titres. Et puis un remake fait également de l’ombre au titre original. Ce dernier sera remplacé par son remake qui, au final, deviendra lui aussi obsolète un jour.
Il est inutile de réécrire l’histoire pour la savourer.
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Vous vous souvenez du temps où ces graphismes étaient superbes ? Devenons-nous vraiment en faire un remake pour actualiser les graphismes ? Ne pouvons-nous pas juste aimer ce jeu pour ce qu'il est et passer à p... d'autre sujet ?
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Article original signé Ravi Singh pour The Snake Soup, traduit et adapté en français par lepolohuevo pour metalgearsolid.be