Comme lors de chaque événement de ce genre,
Hideo Kojima a donné plusieurs interviews pour discuter de
Metal Gear Solid V : The Phantom Pain. Et pour cette édition de l’E3 2014,
Kojima Productions a mis les petits plats dans les grands. La salle d’interview où se sont succédés les journalistes semblait être sortie tout droit de la nouvelle Mother Base de
The Phantom Pain, avec ses murs gris et froids, ses structures métalliques et ses néons crasseux.
Après une démonstration de gameplay qui semble avoir fait l’unanimité, pas de doute, Kojima Productions sait recevoir.
À moins que vous ayez passé ces 18 derniers mois au fin fond de l’Alaska, vous n’êtes pas sans savoir que
Metal Gear Solid V : The Phantom Pain est la suite directe de
Ground Zeroes, sorti en mars dernier. Si le prologue de
Metal Gear Solid V doit officiellement sa propre existence à l’impatience des fans, il a su également permettre à Kojima Productions de peaufiner
The Phantom Pain grâce aux nombreux feedbacks des joueurs.
« Je suis heureux car j'étais presque sûr que la direction du jeu était la bonne » explique Hideo Kojima. « Nous avons constaté que les gens en étaient satisfaits. Nous avons eu beaucoup de feedbacks, ce qui nous a permis d’ajuster les contrôles et des petites fonctionnalités telles que la boîte en carton ou le fait de pouvoir attirer l’attention des ennemis. Les contrôles font partie des éléments principaux qui ont changé de Ground Zeroes à Phantom Pain. »
Si l’existence du prologue et cette longue attente jusqu’à la sortie de
The Phantom Pain pourraient illustrer les neuf années que Big Boss passe dans le coma, elles permettront également de dépeindre le thème principal du jeu, la vengeance, dans le gameplay de
The Phantom Pain.
« Le sentiment de Snake et de ses alliés seront probablement très différents de ceux que ressentira le joueur lorsqu’il commencera le jeu » admet Hideo Kojima. « C'est pour cette raison que Ground Zeroes a été créé, pour réduire cette différence sentimentale entre le joueur et Snake.
En particulier pour celui qui a joué à Metal Gear Solid : Peace Walker. Il a passé des centaines d'heures de jeu à développer sa propre Mother Base. Et voilà que, dans Ground Zeroes, elle est soudainement détruire, avec ses hommes à son bord. Tout cela donne une véritable motivation au joueur pour se venger aux côtés de Snake.
Mais vous vous demandez peut-être si les gens qui n'ont pas joué à Peace Walker seront en mesure de comprendre ce qu'il se passe dans ce nouvel épisode, parce qu'il y a neuf ans qui séparent Ground Zeroes avec le début de The Phantom Pain.
Au début de The Phantom Pain, Snake se trouve dans une situation similaire à celle du joueur qui joue à son premier Metal Gear Solid. Il y a un grand vide à combler. Snake doit découvrir ce qu'il s'est passé durant ces neuf dernières années, pendant qu’il accomplit des missions. J’essaie aussi de créer un jeu pour les joueurs dont c’est le premier MGS afin qu’ils puissent avoir une compréhension de l'histoire et un niveau de motivation similaire à ceux qui ont joué à Peace Walker. »
Depuis le premier
Metal Gear Solid sorti en 1998, la technologie a fait un bond saisissant. À cette époque, la violence était bien plus abstraite en raison de la simplicité des graphismes. Mais avec le
Fox Engine, Kojima Productions pourrait très facilement tomber dans la violence gratuite.
« Il ne s’agit pas de moteur ou de fidélité graphique, parce que je n’essaie pas dépeindre la violence » déclare le papa de Snake. « J’essaie de décrire la nature même de la violence, en posant la question
"Qu'est-ce que la violence ?" au joueur, à travers un média interactif.
Il y a tellement de jeux dans lesquels vous combattez des extraterrestres ou des zombies, avec des graphismes très réalistes. Mais ils ne se demandent pas pourquoi ces événements sont en train d’arriver. Dans Metal Gear, j’essaye d’expliquer pourquoi tous ces évènements violents surviennent. Mon but est d’amener le joueur à s’interroger sur les causes des ces événements. »
Même si
The Phantom Pain aborde des sujets très sérieux, l’humour n’est pas en reste, comme le confirme la présentation de la démo de gameplay dans laquelle
les spectateurs pouvaient observer des moutons volants !
« Mes jeux sont plutôt stressants, sur lesquels vous jouez pendant de nombreuses heures. Lorsque vous devez vous infiltrer, la peur de vous faire repérer est permanente. La tension est constante. C’est quelque chose que l’on retrouve dans les films d’Alfred Hitchcock. Ils étaient trop sérieux et trop pesants. C’est pourquoi il a ajouté des éléments humoristiques dans ces films. Je fais quelque chose de similaire dans mes jeux.
Je suis conscient que personne ne porterait une boîte en carton en pleine guerre, mais je souhaite relâcher la pression et la tension du joueur en contrôlant un peu ses sentiments. De cette façon, les joueurs se détendent pendant une seconde avant de reprendre leur mission. Je pense que le fait de placer stratégiquement ce genre d’éléments humoristiques aide le joueur à continuer le jeu durant une plus longue période. Et cela me permet de raconter une histoire très sérieuse. »
Visiblement, Hideo Kojima n’avait pas menti lorsqu’il annonçait que la taille du monde de
The Phantom Pain est gigantesque (deux cents fois plus grand que
Ground Zeroes). Pour la première fois, la série accueille un véritable monde ouvert. Et pour un conteur comme Hideo Kojima, il a fallu s’adapter pour la conception narrative du titre.
« The Phantom Pain n'est pas un bac à sable comme GTA dans lequel on peut faire ce que l'on veut et quand on veut » souligne Hideo Kojima. « Le jeu ne fonctionne pas comme ça. Dans The Phantom Pain, on rentre, on finit la mission et on sort. Ces missions sont très simples : détruite quelque chose, arrêter quelqu'un, tuer quelqu'un, récupérer quelque chose, etc. De ce point de vue, ce n’est pas compliqué.
Maintenant, les joueurs sont libres pour réfléchir sur la méthode à adopter, sur la route à emprunter, ou encore de choisir le moment de la journée pour s’infiltrer et accomplir leurs missions. Durant celles-ci, une histoire se développe. Évidemment, il y a une certaine limite lorsque le joueur n’est pas en mission.
Comme vous avez pu le voir lors de la présentation, il y a plusieurs éléments de gameplay différents. Par exemple, le joueur peut collectionner les diamants où les animaux qu’il croise. Il peut même se constituer un zoo à la Mother Base. Mais ce qui est important dans le jeu, c’est que vous devez terminer les missions et comprendre pourquoi vous l’avez fait et quelles en sont les conséquences. C’est un peu comme une série télé. Il se passe des choses au fil des épisodes. Et lorsque la saison est terminée, vous êtes en mesure de reconstituer le puzzle scénaristique.
Nous ne voulions pas en dire trop lors de la présentation, mais au début d’une mission, le jeu pourrait très bien vous indiquer que vous avez un temps limité, comme les trois jours pour sauver Miller. Et si vous dépassez cette limite, vous échouez la mission. »
En plus d’un monde ouvert,
The Phantom Pain devrait proposer de nouvelles fonctionnalités en ligne, notamment à propos de la Mother Base que le joueur construit au fil des heures.
« Les joueurs qui veulent créer une Mother Base de façon très pointue seront capable de le faire avec l’interface, ou en utilisant leur smartphone et leur tablette. Je ne peux pas en dire trop, on m’observe. Mais vous avez vu que, à la fin de la présentation, la Mother Base était attaquée. Des gens peuvent vous attaquer, mais vous pourrez également partir à l'assaut des autres Mother Base. »
À première vue,
la série Metal Gear Solid est très réaliste. Pourtant, la saga fait bien souvent appel à des personnages surnaturels ou à des objets futuristes, comme l’
iDroid.
« C’est quelque chose que je fais déjà depuis un certain temps. Par exemple, dans MGS1, nous avions des missiles nucléaires et d'autres armes fictives. Je voulais mélanger des armes existantes avec celles dont les recherches n’avaient pas abouties, ce qui en faisaient des armes à la fois réalistes et futuristes.
Dans Metal Gear Solid 3, par exemple, les plateformes volantes n’existent pas. Mais à cette époque, elles faisaient l’objet de test à l’armée. Toutefois, inclure ce genre d’éléments ne fait pas nécessairement un bon jeu. Nous devons réfléchir si, en ajoutant ces éléments, le jeu sera plus amusant à jouer.
Autre exemple, le
"Phantom Cigar" dans Metal Gear Solid V, qui est un cigare qui fait passer le temps. C'est quelque chose qui n'existait pas en 1985, l'époque où les événements du jeu se déroulent. Et encore moins aujourd’hui. Toutefois, l'heure de la journée est un élément très important dans le gameplay de jeu. Les joueurs ont désormais le choix de s'infiltrer le jour ou la nuit. Si cet élément fictif est présent, c’est avant tout pour que le jeu soit jouissif. »
Lors d’un événement tels que l’E3, Hideo Kojima ne cache pas son ambition de vouloir présenter le meilleur jeu du salon. L’année dernière, des titres à monde ouvert comme
The Division ou GTAV ont particulièrement marqué Hideo Kojima. C’est pourquoi, un des journalistes a demandé au papa de Snake s’il était plus heureux, maintenant que le développement de
The Phantom Pain est plus avancé.
« Ce n’est pas vraiment la même chose, parce que Rockstar va dans une direction très différente de la nôtre » répond Hideo Kojima. « Quand nous disons que nous faisons un jeu avec un monde ouvert, ça donne l'impression que nous essayons de faire la même chose que les autres. Au contraire. Nous essayons de faire un jeu d'infiltration avec une liberté inédite. Le monde que Rockstar a créé dans GTAV est vraiment très immersif ! Et lorsque j'ai vu la version PS4, il y a quelques jours, je me suis senti à nouveau déprimé. La qualité qu'ils ont montrée dans le trailer PS4 est très impressionnante.
CVG,
Time,
Gamasutra,
IGN