Ce
jeudi 13 juillet 2017 (et non le 7 juillet, comme le prétend pourtant le manuel de MGS), la série
Metal Gear fête ses 30 ans jour pour jour ! Pour l'occasion, oublions un instant les épisodes estampillés
"Solid" que nous connaissons si bien. Je vous propose, cette fois, de nous intéresser aux propos des développeurs des deux premiers Metal Gear. Deux titres souvent forts peu connus des joueurs et pourtant qui sont à la base de toute la saga que nous connaissons aujourd’hui.
Commençons par
Tomonori Otsuka qui a travaillé sur
Metal Gear sur MSX 2. Comme vous allez le constater, les développeurs ne pouvaient s'intéresser uniquement qu'à leur travail respectif à l’époque. Rappelez-vous. L’histoire de la première aventure de Solid Snake prend place en Afrique du sud à 200 km de Galzburg. Mais pourquoi ce pays a-t-il été choisi précisément ?
« Je ne pense pas que
Hideo Kojima a une préférence toute particulière pour l’Afrique du Sud. Ça dépendait de l’histoire. En fait, il était très excité à l’idée que Snake se cache pour observer. L’histoire a été construite autour de cette idée originale. Je ne sais vraiment pas pourquoi le jeu prend place en Afrique du Sud. Nous développions deux à trois titre par ans et les équipes étaient voisines les unes des autres parce que nous étions peu nombreux à développer des jeux sur MSX. Chaque jour, nous étions vraiment très occupés, c’est pourquoi, en tant que développeur, nous ne nous préoccupions pas de l’histoire des jeux. Mon travail consistait à écrire des lignes de codes en suivant les directives. »
Le premier
Metal Gear est sorti le 7 juillet 1987 sur MSX 2. Pourtant, à cette même époque, la Famicom de Nintendo -- qui a connu un succès incroyable -- était déjà dans les foyers japonais. Cependant, deux raisons précises ont poussé Konami à prendre la décision de sortir
Metal Gear sur le micro-ordinateur plutôt que sur la console de Nintendo.
« À l’époque, Konami avait des équipes de développement pour différentes plates-formes, tels que les bornes d’arcade, Nintendo et MSX. La Famicom est sortie après la MSX, et l’équipe qui travaillait sur cette plate-forme y avait déjà sorti plusieurs titres. La Famicom était toute jeune et n’était pas encore considérée comme un succès. Le marché de la MSX était donc plus important que la Famicom. En outre, Hideo Kojima faisait partie de l’équipe de la MSX. Nous ne pouvions pas travailler sur la Famicom. »
Dans chaque jeu, les développeurs sont toujours confrontés à des difficultés. Évidemment
Metal Gear n’échappe pas à la règle, comme l’explique Tomonori Otsuka.
« L’élément le plus difficile à développer sur
Metal Gear consistait à déterminer ce que les ennemis et les caméras voyaient quand Snake était caché. La caméra du joueur est dirigée de haut vers le bas. De ce fait, le joueur peut observer la position des personnages et des caméras. Si un obstacle se trouvait entre Snake et la vue d’un ennemi, le joueur ne devait pas être découvert. Il était très difficile de déterminer ce qui était visible ou non. »
Toshinari Oka a travaillé sur
Metal Gear 2: Solid Snake sorti en 1990, toujours sur MSX 2. Le Japonais a toutefois débuté sa carrière sur la toute première version de
Parodius et sur d’autres titres comme
King Kong 2,
Nemesis 2 et
Castlevania. Et lorsque que Toshinari Oka est entré chez Konami, il était déjà un ami de Hideo Kojima.
« Ah oui, je l'étais ! Quand le projet
Metal Gear 2: Solid Snake a démarré, j'étais le collègue de Kojima-san. Nous avons rejoins Konami la même année. À cette époque nous étions amis, et quand le manager du département R&D décida de lancer le projet, je fus désigné comme programmeur. Quand je me rendais à la compagnie le matin, j'allais directement à la cafétéria. D'habitude Kojima-san et moi-même, nous discutions avec quelques autres collègues et amis. Je ne me rappelais plus exactement l’heure, mais c’était probablement vers neuf heures. C'est le début du travail chez Konami. »
Déjà à l’époque, Hideo Kojima débordait d’idées, comme l’explique Toshinari Oka.
« Nous avions de nombreux meetings avec l'équipe. Nous parlions des idées que l’on pourrait insérer. Je me rappelle plus de la paternité des idées. Mais, une grande partie du game design venait de Kojima-san. Il avait bien plus d’idées que celles que l’on trouve dans la version finale du jeu. Toutefois à cause des limitations de la MSX2, elles n’ont pas pu toutes s’y trouver. »
Même si travailler sur
Metal Gear 2: Solid Snake était un véritable plaisir, la difficulté était néanmoins présente. Toshinari Oka ne voulait pas décevoir son ami et collègue Hideo Kojima.
« Le langage de programmation était
"Assembler". L'ordinateur qu'on utilisait était une machine Hewlett-Packard 64000. Une vielle machine. J'aimais être créatif, et je voulais réaliser quelque chose de vraiment impressionnant. C’est pourquoi, j'ai adoré programmer ce jeu, même si le travail lui-même était très dur. Ce fut une grande expérience. Certaines parties de la programmation étaient très difficiles. Mais je voulais concrétiser les idées que Kojima-san avait élaborées. Je n'ai jamais voulu dire
"Non, je ne peux pas le faire". J'ai toujours voulu faire face aux nombreuses difficultés. Je pensais que si je ne pouvais pas réaliser toutes les idées de Kojima-san, le jeu ne serait alors pas aussi bon que prévu. J'ai voulu faire tout ce qui était possible. »
Si vous vous êtes aventurés à Zanzibar Land dans
Metal Gear 2: Solid Snake, vous avez eu l’occasion de voir de vos propres yeux le travail visuel de Toshinari Oka.
« J'ai réalisé tous les mouvement de Snake. J'ai également programmé toutes les sections de radio, ainsi que certains mouvements des ennemis, et j’ai le souvenir d’avoir également travaillé sur le radar. C'était il y a si longtemps ! J'ai beaucoup aimé les parties radiophoniques. Vous voyez, l'écran où on voit le visage des personnages s'afficher ? J'ai créé la petite ligne horizontale d'interférence qui bouge de haut en bas, car je voulais le rendre plus réaliste pour le joueur »
Comme Yoji Shinkawa, Toshinari Oka a connu
« l’erreur ou le défaut involontaire mais bénéfique » que le designer attitré de la série connaît bien.
« J'ai commis une erreur dans la programmation. Il y avait réellement une erreur. Une partie d’un des mouvements de Snake est incorrect. Je ne peux pas vous dire de quelle partie il s'agit, car c'est un secret. Mais Snake n'était pas supposé faire ce genre de mouvement tout seul. Mais un membre de l'équipe a vu ce mouvement et m’a dit
"C'est bien !" Ainsi, cette partie de programmation du mouvement fut gardée et utilisée dans le jeu. »
Et lorsque Toshinari Oka apprend que des joueurs occidentaux joue encore à
Metal Gear 2: Solid Snake, il se dit surpris et honoré.
« Je suis vraiment content de l’entendre. Parce qu'ici, au Japon, nous n'avons pas beaucoup d'informations concernant nos fans occidentaux. Je me sens honoré d'avoir été un membre de l'équipe de développement de la série
Metal Gear. Je suis très fier d'avoir pu faire partie de quelque chose qui est apprécié du public, et pas seulement au Japon, mais également en Europe. C'est un vieux jeu, mais je suis content qu'il y ait des fans qui y jouent encore. Je n'arrive pas à y croire. Je suis tellement touché. »
Nous allons terminer notre petit tour d’horizon par le vilain petit canard de la série, je parle bien sûr de la version NES de
Metal Gear. Vous le savez probablement,
Hideo Kojima déteste cette adaptation. Rappelez-vous.
« Je n'avais absolument aucune implication dans le développement de la version NES, expliquait Hideo Kojima. Cette version était un titre pitoyable développée à moindre coût par une petite équipe à Tokyo… »Masahiro Ueno est l’un des programmeurs de la version NES de
Metal Gear. Et vous allez le voir, il est lui-même très déçu d’avoir participé à cette adaptation très muselée par des directives indépendantes de la volonté de son équipe.
« Comme vous le savez, Hideo Kojima n’aime pas la version NES de
Metal Gear. Mon équipe avait pour ordre de porter la version originale de la MSX2 sur la NES, et ce en trois mois. Nous avons été contraint de faire quelques changements en raison des limitations techniques. Depuis, Hideo Kojima réfute cette version et il n’aime pas ces changements. Il ne considère pas que la version NES soit un authentique
Metal Gear. Tout ce que j’ai fait, c’est simplement avoir porté le jeu comme on me l’a demandé. Je ne mérite pas d’avoir mon nom au générique. »
L’introduction du jeu et le boss de fin de
Metal Gear sont des éléments très différents de la version originale sur MSX. Et vous allez le voir, ces changements douteux ne sont pas des décisions prises par l’équipe de développement, mais bien par Konami.
« On nous avait demandé de marquer une différence entre la version Famicom et la version MSX2 qui était déjà sortie. Réaliser une intro différente était le moyen le plus efficace et le plus facile pour ça. Nous n’avions que trois mois pour réaliser ce portage. La raison pour laquelle nous avons mis un ordinateur [comme boss final] est simplement due aux limitations techniques. Ce fut probablement possible d’intégrer un robot si nous avions pu utiliser une meilleure puce comme la VRC4. Mais elle n’était pas disponible pour nous à l’époque. »
Certes, l’adaptation de
Metal Gear sur NES restera toujours de moins bonne qualité que la version originale, mais au moins, aujourd’hui, nous savons pourquoi.
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