Terry Wolfe de Metagearsolid.org nous propose aujourd'hui une analyse très intéressante sur Metal Gear Solid: Peace Walker. Et si la dernière aventure de Big Boss renfermait une fascinante allégorie de l'expérience personnelle de Hideo Kojima?
Même s’il n'arrive pas au calibre d'un
Metal Gear Solid 5,
Peace Walker est un jeu prépondérant dans la saga
Metal Gear. En se rachetant après le blasphème qu'était
Portable Ops,
Peace Walker comble enfin le vide scénaristique entre
Snake Eater et le premier
Metal Gear, et ce d'une manière honorable. Mais
Metal Gear Solid: Peace Walker a également réalisé un autre but, celui de continuer la fascinante allégorie de l'expérience personnelle de
Hideo Kojima.
Car, je pense que
Peace Walker contient une allégorie cachée et délibérée. Comme pour les jeux précédents, je crois que l’histoire de
Peace Walker raconte l'expérience de Kojima et de la série
Metal Gear. Certes, à première vue, il s’agit de l’histoire de Big Boss qui forme et qui développe une armée de partisans appelée
"Les Militaires Sans Frontières". Celle-ci tient la promesse de protéger un pays sans défense (celui d’ d'une petite fille), et devient dans la foulée une force nucléaire non négligeable. Cette situation est comparable au ressentit de Hideo Kojima lors de la création de la franchise
Metal Gear Solid. Pour l’instant, mettez de coté les détails de l'histoire. Et rappelez-vous. Comme il l’a expliqué, Hideo Kojima voulait que les fans expérimentent la façon de créer quelque chose de simple avec les meilleures intentions du monde, et de l'agrandir au fur et à mesure pour devenir quelque chose de controversé et de dangereux.
"Le concept du jeu a été structuré d'une manière telle que votre impression du jeu changera dès que vous l'aurez terminé. Le danger ne cesse de traquer Snake... Les robots et les forces armées. Ils sont une menace aux MSF, mais quand vous jouez, ils pourront faire partie de votre armée. Vous vous battez pour la paix... mais le temps que vous vous en rendez compte, vous aurez déjà les pieds trempés dans le militarisme. C'est ça le thème" déclarait
Hideo Kojima sur Twitter en février dernier.
Dans
Metal Gear Solid 4, nous savons d'ores et déjà que
Big Boss et
Zero étaient responsables d’une mauvaise interprétation de l'héritage de
The Boss. Quant à
Peace Walker, cet épisode nous montre la manière dont Big Boss est passé par ce chemin si regretté par la suite. Ainsi, le jeu renforce le message que
MGS4 avait apporté précédemment. Car, malgré toutes les apparences, Big Boss est avant tout parti d’une bonne et saine intention.
Dans un sens, si
MGS4 représentait le désir de Kojima d’en finir avec la série et de se faire pardonner pour tous les "péchés" qu'il a commis au fil des années en créant des trous scénaristiques dans l'histoire sans jamais vraiment répondre aux questions des fans, Peace Walker, est quant à lui une métaphore de ses véritables intentions. En d’autres mots, c’est l’explication de sa perte de contrôle. Et dans ce sens, les deux jeux vont de paires.
Ainsi, l’un des grands thèmes de
Peace Walker est une militarisation graduelle. Recruter des membres, agrandir la
Mother Base en améliorant la technologie par le R&D sont des éléments qui correspondent parfaitement à cette allégorie. Hideo Kojima fait de même en embauchant de nouveaux membres dans l'équipe, en agrandissant son espace de travail et en créant de nouveaux moteurs de jeux avec l'avancement technologique des jeux vidéo. Peut-être même que la création de la marque
"MSF" est supposé refléter la création de
"Kojima Productions" elle-même. Car Hideo Kojima et Big Boss sont tous les deux très respectés par leurs subordonnés respectifs. Ils sont aussi responsables d’organiser leurs équipes pour travailler sur certains projets.
"Outer Ops" pour Big Boss et
"Portable Ops" pour l'équipe de Kojima ! Embaucher, diriger et ordonner des hommes à travailler pour vous est quelque chose dont Hideo Kojima fait depuis bien longtemps.
Cette allégorie, quand elle est interprétée d'une manière thématique, place l'ultime responsabilité sur les épaules de Kojima. Tout le monde a besoin de ses conseils et de ses consignes, au même titre que Big Boss avec les membres des MSF. A l’instar de
Metal Gear Solid 4, Hideo Kojima se sent responsable de tout. Le japonais est bien en charge du projet, cependant il n’est pas vraiment libre de faire ce qu'il voudrait, et il a l’obligation de rester dévoué aux besoins des circonstances. Il y a toujours une nouvelle "menace" qui surgit quelque part. Et bien souvent s'occuper de cette "menace" demande un compromis de ses idées.
C'est là où
Miller intervient. D’un côté, nous avons Big Boss, l’éternel soldat luttant pour rester loyal envers son mentor, The Boss, en dépit du fait que les "circonstances" les ont forcés à s'affronter. Big Boss était devenu blasé, et il a été récompensé d'un titre qu'il n'a jamais demandé (qu’il a, en réalité, détesté), mais dont il a fini par accepter. De l’autre, nous avons Miller, l’éternel businessman, dont l’occupation est le succès immédiat. La relation humoristique entre ces deux pôles, Miller et Big Boss, se croise évidemment là où l'idéalisme rencontre le pragmatisme. Big Boss ne possède ni l'ego, ni l'appétit d'exploiter cette renommée indésirable, et laisse l'aspect commercial à Miller, qui est à la fois un camarade loyal et un opportuniste. Kaz a un coeur et, je suis bien évidemment soulagé qu'il n'ait pas été dessiné comme un vaurien. Cela aurait était trop facile, et contredirait son coté positif plus tard dans la chronologie. Parce ce que dans ce cas précis, ça voudrait dire que Big Boss (et donc, selon ma théorie, Kojima) était exploité, et non complice dans le développement de MSF, dans Metal Gear ZEKE et dans Outer Heaven. Tout cela ne serait pas du tout représentatif pour Hideo Kojima. Mais pour que l'allégorie reste solide, Big Boss se doit d’accepter les propositions qui lui sont présentées par Miller et par les autres personnages. On a l'impression que la mentalité business de Kaz est presque un fait neutre de la vie. Le jeu ne condamne pas seulement complexe militaro-industriel, il révèle simplement la manière de vivre de notre monde, tout comme Kojima l'a appris.
Mais n’oublions pas
Strangelove et son obsession pour The Boss…
Je pense que Strangelove est une métaphore des fans qui vénèrent tout sur la série, sans percevoir l’essentiel. Pensez cela comme une analogie. Strangelove a obtenu toutes les informations disponibles sur The Boss, mais elle ne connait toujours pas ses intentions, ce qui lui importe le plus. Pendant de très nombreuses années, Hideo Kojima a été submergé de questions qui l’ont hanté pendant longtemps. Big Boss, qui représente Kojima, est donc torturé par Strangelove pour connaître les réponses! Je n'ai aucun doute sur cette métaphore dont Hideo Kojima a dû faire face au cours des années (cela inclu également les menaces de mort dont Hideo a été victime). Il est amusant de constater que Hideo Kojima n'avait tout simplement pas les réponses satisfaisantes pour les fans, comme Big Boss n'en avait pas pour Strangelove. Le mystère de The Boss n'est finalement compris qu'à la fin de
Metal Gear Solid 4, dans les tous derniers moments de Big Boss. Les détails de ses choix, que Strangelove cherche en vain, ne sont que peu importants… Se perdre dans les détails et manquer l’essentiel.
Tout comme les jeux précédents, je pense que
Peace Walker a assez de couches pour être apprécié sur plusieurs niveaux de lecture qui se valent toutes. L'incroyable histoire qui raconte la manière dont Kojima et Big Boss sont inévitablement devenus des "anti-héros" mal compris a déjà été évoquée dans
Metal Gear Solid 3: Snake Eater mais cette idée est menée à terme aujourd’hui. A travers les thèmes combinés de
Metal Gear Solid 4 et
Peace Walker, Hideo Kojima nous montre à quel point il est stupide de s’attarder sur de petites obsessions, plutôt que de percevoir le véritable message de la série. C'est une brillante idée d’offrir le choix aux joueurs, non seulement pour nous donner une idée selon laquelle un conflit peut en générer un autre, et comment et pourquoi Big Boss peut simultanément être un héros et un méchant. Finalement, le travail de Hideo Kojima sur la série n'a pas changé d’un poil…
- Article écrit par Terry Wolfe du site Metagearsolid.org et adaptaté par lepolohuevo pour MetalGearSolid.be