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La fin de Metal Gear Solid V : 1984 tentatives d'interprétations
06/04/2016 à 18:00
par sheen
Plusieurs mois après la sortie de Metal Gear Solid V : The Phantom Pain, la fin du jeu anime toujours les conversations. Plus que jamais, les joueurs sont divisés sur le sujet. Mais une chose est sûre, Hideo Kojima a réussi son pari ! Au delà du jeu, le débat passionne les fans ! Prologue
L'histoire de Metal Gear Solid V : The Phantom Pain relate les aventures de Venom Snake qui apprend, quelques temps après être sorti du coma, qu'il n'est pas le véritable Big Boss, mais son double (1). Il est un appât pour les yeux du monde, pendant que Big Boss crée Outer Heaven, une nation militarisée, dans le plus grand secret (2). D'un côté, nous avons les joueurs qui acceptent la vérité telle qu'elle nous est présentée dans l'épisode 46 « Vérité ». Venom Snake est le joueur et le double de Big Boss. Il deviendra plus tard le Big Boss de Metal Gear tué par Solid Snake lors des événements de Outer Heaven. De l'autre côté, nous avons les joueurs qui sont persuadés que la mission 46 « Vérité » n'en porte que le nom et n'est qu'un énorme mensonge fantasmé par Big Boss. Selon eux, notre héros serait devenu schizophrène parce qu'il n'accepte pas ses propres actes. C'est la raison pour laquelle, Big Boss s'imagine être quelqu'un d'autre, en l'occurrence son propre double : Venom Snake. Sa première « mort » dans Metal Gear face à Solid Snake marquerait ainsi symboliquement la fin de sa schizophrénie. En voilà une jolie métaphore ! Bien que les deux hypothèses soient très intéressantes, je suis convaincu que la première l'est davantage. Je pense que Venom Snake est bel et bien le double de Big Boss. Et si la seconde théorie résoudrait bien quelques mystères, comme ceux qui entourent le fameux Ishmael, elle apporte en revanche plus de problèmes qu'elle n'en résout. En effet, si Venom Snake est bel et bien le vrai Big Boss, que dire de son manque de repère par rapport à Kaz ? Comment expliquer la réaction de Huey en voyant Venom Snake la première fois en Afghanistan ? Pourquoi le test ADN de Eli ne correspond-il pas du tout avec le sien (3) ? Comment expliquer la réaction de Volgin qui arrête soudainement ses gestes meurtriers au poste de ravitaillement de Yakho Oboo ? Pourquoi Venom Snake est-il autant laconique par rapport à Miller ? Comment expliquer la conversation où Ocelot et Kaz discutent ensemble du fantôme de Big Boss ? Pourquoi Ocelot nous réprimande d'un « Tu n'es peut-être pas le Big Boss qu'on attendait, après tout » lorsque Venom Snake tue par inadvertance (ou non) l'un de ses hommes sur la Mother Base ? Etc... La liste des nouveaux mystères engendrés par la théorie « Venom = le vrai Big Boss » est longue. Toutefois, les hallucinations d'un Big Boss schizophrène peuvent (trop ?) facilement résoudre ces problèmes. Sous l'angle de la schizophrénie, n'importe quel événement peut être le fruit de l'imagination de Big Boss, à l'instar des hallucinations sur Paz (4). C'est pourquoi, il est difficile d'essayer de prouver que Venom Snake est le double de Big Boss. Mais je ne m'avoue pas vaincu pour autant ! Le cadeau d'adieu de Hideo Kojima
Metal Gear Solid V : The Phantom Pain est le dernier Metal Gear signé par Hideo Kojima. L'homme qui ne voulait pas devenir « Monsieur Metal Gear » l'avait répété mainte fois, bien plus que d'habitude, et ce bien avant le divorce avec Konami. Si on considère que les explications de la mission 46 « Vérité » sont bien réelles, Hideo Kojima s'adresse au joueur lorsque Venom Snake se regarde dans le miroir avant de le briser. « Là où on est aujourd'hui ? C'est nous qui l'avons construit. Cette histoire, cette "légende", c'est la nôtre [...] Merci mon ami. À partir de maintenant, tu es Big Boss. » Par le biais de Big Boss, Hideo Kojima nous remercie. Il nous explique que c'est aussi grâce à nous que la série est ce qu'elle est aujourd'hui. Et comme testament, il nous offre le plus grand rôle de la saga, la légende de Big Boss et l'honneur de boucler nous-même la boucle. Depuis les débuts de la série, Hideo Kojima a sans cesse joué avec la relation entre ses personnages virtuels et le joueur réel, en brisant le quatrième mur. Le twist final « Venom Snake = le double de Big Boss » cadre et surtout conclut avec brio cette relation. En plus, la fin de Metal Gear, sorti en 1987, prend une tout autre dimension aujourd'hui. Symboliquement, le joueur s'affronte lui-même par le biais de Solid Snake contre Venom Snake (5). Toutefois, le message et le cadeau d'adieu de Hideo Kojima n'existe plus avec la théorie « Venom Snake = Big Boss ». Ce deuxième twist est intéressant, je le concède. Mais il est beaucoup moins profond que le cadeau que nous offre Hideo Kojima. Certes, le quatrième mur est toujours brisé. Snake s'adresse à nous. Mais le joueur n'est pas plus Big Boss qu'il ne l'a été auparavant. Avec la théorie « Venom Snake = Big Boss », il y aura toujours une frontière entre Big Boss et le joueur. Parce qu'en héritant du nom de Big Boss, le joueur hérite aussi de son passé. Alors que si Venom Snake est le double de Big Boss, le joueur devient le Big Boss qu'il souhaite. Avec Venom Snake, il écrit sa propre histoire, son avenir et sa propre légende. Il n'y a plus de frontière vidéoludique. Ainsi, les actes du joueur rejoignent celle du vrai Big Boss pour former la légende que le Monde retiendra dans ses pages d'Histoire. Autre point quelque peu bizarre scénaristiquement parlant, les deux twists de cette théorie arrivent coup sur coup et s'annulent. En moins de vingt minutes, on apprend que nous sommes le double de Big Boss. Et puis finalement non, nous étions bien le vrai Big Boss. Comme si l'histoire toussotait, comme si Hideo Kojima n'assumait pas son idée jusqu'au bout... Si la schizophrénie de Big Boss était la finalité pour Hideo Kojima, n'aurait-il pas été plus intéressant de faire croire dès le début au joueur qu'il jouait le rôle du double de Big Boss, et de lui révéler à la fin de l'aventure qu'il jouait le vrai Big Boss, plutôt que d'offrir ces deux grandes révélations rapidement, dans un mouchoir de poche, en toute fin de scénario ? La « grande surprise » de Hideo Kojima
Mais laissons mes interprétations de côté quelques instants, et revenons un peu en arrière dans les archives du site. En juin 2013, Hideo Kojima avait annoncé qu'une grande surprise attendait les joueurs dans Metal Gear Solid V : The Phantom Pain. Ces propos n'étaient pas passés inaperçus à l'époque, d'autant plus que Kiefer Sutherland avait apporté, lui aussi, son petit grain de sel lors d'une de ses rares interventions. « Nous avons une grande surprise qui attend les joueurs dans le jeu. Nous nous sommes surpassés pour réaliser quelque chose que les films ne pouvaient pas faire, mais seulement les jeux vidéo. Ceci n'a jamais été fait auparavant. » Les propos de Hideo Kojima semblent, ici, confirmer que Venom Snake est bien le double de Big Boss, c'est à dire le joueur. En effet, il est impossible que le spectateur d'un film devienne lui-même le véritable héros de l'histoire, comme c'est le cas avec la théorie de « Venom Snake = le double de Big Boss ». En revanche, l'hypothèse « Venom Snake = le vrai Big Boss » peut parfaitement être adaptée au cinéma, comme le prouve l'excellent Fight Club de David Fincher. En février 2014, IGN demandait à Kiefer Sutherland si le « nouveau » Snake allait être différent du précédent. L'acteur répondit, en souriant : « J'ai failli déraper et vous dire quelque chose que je n'ai pas le droit de dire ! Il y a un moment très important dans le jeu. De manière très similaire à [Jack Bauer dans] 24, [Snake] est, je l'espère, un peu plus à cran et en colère à cause de son histoire et... pour le reste vous devrez jouer au jeu pour le découvrir car il y a un secret, derrière tout ça, qui est très cool. » Plus tard, fin 2015, lors d'une interview avec Manabu Makime, Hitori Nojima (un écrivain et ami de Hideo Kojima) avait également précisé ce qui suit : « Hideo Kojima m'a envoyé un mail personnel pour me dire ceci : Les jeux précédents n'avaient pas vraiment d'histoire. Metal Gear a fait partie des premiers titres à ajouter une histoire à son gameplay. Au fil des ans, nous avons raconté une histoire avec le joueur qui prenait le contrôle de Snake. La série a continué et le joueur sautait de personnage en personnage, comme Solid Snake et Naked Snake. L'histoire a évolué pour devenir la légende qu'est aujourd'hui la saga Metal Gear. Pour le dernier Metal Gear en date, l'épisode final, il était logique de rendre Snake, le personnage principal, aux joueurs. Pour Hideo Kojima, c'est maintenant le joueur qui est le créateur de l'histoire, soulignant de cette façon que la boucle est bouclée. Pour Hideo Kojima, si les jeux étaient comme les films, la fin de « V » n'aurait jamais été possible. Ainsi, l'histoire que nous avons créée tous ensemble pendant des années revenait [de droit] aux joueurs. Telle est la véritable intention de "V". » Le passage de flambeau est une nouvelle fois confirmé ici aussi. Quelques jours après la sortie de Metal Gear Solid V : The Phantom Pain, Hideo Kojima lui-même publiait ces quelques mots sur Twitter. Nous sommes le 16 septembre 2015. Revolver "Shalashaska" Ocelot et Benedict "Kazuhira" Miller
Outre le fait que le message final de Hideo Kojima n'existe plus, la théorie « Venom = le vrai Big Boss » abandonne aussi les raisons dévoilées dans le jeu, où l'on apprend pourquoi Kaz retourne sa veste quelques années plus tard, pour aider Solid Snake. À l'instar de chaque épisode de la série, Metal Gear Solid V : The Phantom Pain se termine sur le logo du jeu affiché sur un fond noir. Cette fois, on entend une conversation entre Ocelot et Kaz. Ce dernier vient d'apprendre que Venom Snake n'est pas Big Boss. Qu'il n'est que son fantôme. (6) Bien que cette discussion mette un point final à MGSV : The Phantom Pain, elle ne s'est pas forcément déroulée après la dernière cinématique durant laquelle Venom Snake se regarde dans le miroir. En réalité, Hideo Kojima n'a pas placé cette conversation à la fin du jeu par hasard. Comme le dit si bien Rom1 dans notre forum, « la fin nous laisse un peu comme ces deux personnages. Soit on est Ocelot et l'on comprend (ou simplement accepte) les choix de Big Boss/Kojima, soit on réagit comme Miller et l'on se considère donc comme trahi par l'impact sur la saga. » Toutefois, la théorie « Venom = le vrai Big Boss » voudrait que cette conversation n'ait jamais eu lieu. Qu'elle ne soit qu'une hallucination de la part d'un Big Boss schizophrène. Lors de cette conversation avec Ocelot, Kaz est très en colère d'apprendre qu'il a été trompé par Big Boss à propos de l'identité de Venom Snake. Il rage de constater qu'il a vraiment TOUT perdu, son ami, son avenir. C'est pourquoi, il se décide à continuer d'aider Venom Snake, afin que celui-ci surclasse un jour le véritable Big Boss qui l'a lâchement abandonné. Kaz : « Big Boss peut bien aller en enfer. Je rendrai son fantôme et ses fils plus forts pour l'y expédier. Pour cela, je dois continuer à jouer mon rôle. » Ocelot : « Si un jour tu retournes auprès de Cipher, j'aiderai son autre fils. Et toi et moi nous serons ennemis. L'un de nous devra tuer l'autre. » Des explications importantes qui font clairement le pont entre The Phantom Pain, Metal Gear, Metal Gear 2 et Metal Gear Solid. Mais étant incompatibles avec l'hypothèse « Venom Snake = Big Boss », ces explications sont balayées par les défenseurs de cette théorie, estimant qu'il s'agit-là d'une simple hallucination d'un Big Boss schizophrène. Selon eux, si Big Boss est capable de s'imaginer Paz à l'infirmerie, il peut très bien halluciner ce genre de conversation. Paz Ortega Andrade
Pour Paz, nous sommes tous d'accord, il s'agit bien évidemment d'une hallucination. Et cette hallucination me conforte justement dans l'idée que Venom Snake est bien le double de Big Boss. En tant que médecin au plus profond de lui, il est hanté d'être passé à côté de la seconde bombe cachée dans le corps de Paz, lors de son opération rapide et forcée, dans l'épisode « Ground Zeroes ». Cette hallucination est donc le fruit visible de ses regrets. Notez que ces hallucinations apparaissent dans un endroit qui est loin d'être anodin : l'infirmerie de la Mother Base. Quand on sait que des images, des lieux, des objets peuvent raviver des (bribes de) souvenirs à des personnes devenues amnésiques, l'infirmerie de la Mother Base peut très bien jouer ce rôle, en particulier pour un médecin. Dans ce cas-ci, l'hypnose pratiquée sur Venom Snake peut y rencontrer des faiblesses. Dans le cas où Venom Snake serait le vrai Big Boss, pourquoi n'a-t-il pas halluciné sur Chico, en plus de Paz, sachant pertinemment qu'ils sont morts tous les deux ? Contrairement au médecin, Big Boss devrait culpabiliser en apprenant que les deux enfants (et non pas uniquement Paz) ont été tués sous sa protection, alors que lui, il est toujours en vie aujourd'hui. Je sais qu'une cassette secondaire évoque très rapidement le sort funeste de Chico (7). Il n'empêche que les hallucinations de Snake prennent le pas sur la raison. Par exemple, comment a-t-il été aussi naïf de croire que, neuf ans après, la cicatrice de Paz soit toujours aussi marquée, comme si elle datait d'hier ? Mais peut-être que la présence de Chico nous aurait mis la puce à l'oreille. Big Boss et son histoire
Je lis souvent l'argument selon lequel on ne voit pas Big Boss devenir un démon, dans l'hypothèse où Venom Snake est le double de Big Boss. Pourtant, je trouve que c'est le cas ! En acceptant de créer son double, Big Boss est devenu un lâche, n'ayons pas peur des mots. Il est devenu ce qu'il a toujours combattu : un manipulateur, un marionnettiste dans l'ombre. Pour feindre la mort, Big Boss n'hésite pas à tromper et à sacrifier sur l'autel de l'Histoire les deux personnes qui lui sont les plus proches, à savoir Miller et nous même, joueurs (Venom Snake). Il est clair que si Venom Snake a été choisi pour devenir Big Boss, c'est parce qu'il n'a pas hésité à se sacrifier pour protéger Big boss dans Ground Zeroes. En devenant Big Boss aux yeux du monde, il continue à protéger le vrai Big Boss. « Un détour dans son voyage vers l'enfer » précise Revolver Ocelot (2). Néanmoins, l'attitude du vrai Big Boss pour ses deux camarades marque un tournant dans son histoire. En plus, même si ce n'est pas lui qui appuie sur la gâchette, tout l'hôpital militaire britannique de Dhekelia a également été sacrifié pour sa cause. Dans l'ombre, Big Boss crée Outer Heaven. Et quand sa propre situation commence à sentir le roussi, il sort Venom Snake de son « coma » hypnotique pour qu'il fasse une nouvelle fois le sale boulot à sa place. Un destin bien sombre pour Venom Snake, lui qui était médecin et qui sauvait des vies par le passé, avant de devenir par obligation le double de Big Boss. Hideo Kojima nous avait promis de vivre et de découvrir les raisons pour lesquelles Big Boss allait devenir un « méchant ». Je me souviens qu'à l'E3 2014, Hideo Kojima avait été un peu plus précis à ce sujet. Et comme le dit si bien Friedrich Nietzsche, « le diable [démon ?] se cache dans les détails », voici la citation précise de Hideo Kojima : « The Phantom Pain débute en 1984, et chacun sait ce qui arrive à la fin du jeu, quand Big Boss crée Outer Heaven. À travers ce titre, je veux accompagner le joueur pour aider Big Boss à y parvenir. Tout le monde sait que Big Boss devient le méchant, et que Solid Snake devient le joueur. Tout cela est très délicat. Il est difficile pour le joueur de devenir le méchant. Je dois donc trouver un équilibre afin que le joueur comprenne pourquoi cela arrive, et qu'il découvre l'origine de tout cela. En terme de gameplay, je ne veux pas que les gens s'arrêtent de jouer : "Je suis en train de devenir le méchant, je m'arrête là !" C'est pourquoi, je dois garder une certaine part d'héroïsme dans ce personnage. » « Je comprends comment. Je ne comprends pas pourquoi. » (a)
La question sur l'identité de Venom Snake a vraiment le mérite d'exister. Malheureusement, de nombreux défenseurs de la théorie « Venom = Big Boss » restent bien souvent trop attachés à des détails techniques, occultant toute la poésie et le symbolisme que nous offre le titre de Hideo Kojima. Plutôt que d'enrichir ce débat passionnant, ces joueurs semblent vouloir emprunter le chemin le plus direct pour arriver à leur fin, et dissoudre ainsi leur frustration inavouable, celui d'avoir été trompés une énième fois par Hideo Kojima, ou pire, pour n'avoir pas vécu le dernier MGS aux côtés du véritable Big Boss qu'on attendait tous. « On avait toujours dans l'estomac et dans la peau une sorte de protestation, la sensation qu'on avait été dupé, dépossédé de quelque chose à quoi on avait droit. » (b) Bien souvent, cette partie du débat est totalement stérile. Tout argument contradictoire est instantanément classé dans la case « hallucination de Big Boss » pour y être rapidement oublié et vaporisé. Ici, les hallucinations ont remplacé les nanomachines. Elles sont capables d'expliquer n'importe quel problème. Certains joueurs répètent même des arguments considérés comme étant indubitables qu'ils ont lu à gauche et à droite, sans prendre la peine de s'informer par eux-mêmes, et de réfléchir. « Ils avalaient simplement tout, et ce qu'ils avalaient ne leur faisait aucun mal, car cela ne laissait en eux aucun résidu, exactement comme un grain de blé qui passe dans le corps d'un oiseau sans être digéré » (c). C'est pourquoi, je vais consacrer ce chapitre en jouant à ce petit jeu, en m'attardant sur des détails techniques. C'est peut-être une façon pour moi de tourner la page sur cette partie du débat. Pour cela, je vais répondre aux questions publiées dans les commentaires du site. Toutefois, comme pour la première partie de cet article, je ne fais qu'exposer ma propre interprétation, sans affirmer de vérité... La mission « Vérité » fait référence à 1984 de George Orwell. Tout est donc mensonge ! « Il y avait des jours où on y croyait, des jours où on n'y croyait pas. On ne possédait pas de preuves, mais seulement des vacillantes lueurs qui pouvaient tout signifier, ou rien. » (d) Metal Gear Solid V : The Phantom Pain se déroule en 1984. Cette année n'a pas été choisie par hasard. Hideo Kojima rend hommage à l'œuvre de George Orwell en faisant débuter les événements du jeu cette année-là. Plus qu'un clin d'œil, des thèmes du livre 1984 sont bien ancrés tout le long du jeu, parfois discrètement, souvent avec évidence. « Depuis que nous avons fait Metal Gear Solid 3, j'ai toujours voulu réaliser un jeu qui se déroule en 1984 » expliquait Hideo Kojima en juin 2013. « De plus, 1984 est également le titre d'un roman de George Orwell et Metal Gear Solid V proposera des thèmes Orwelliens. » Profitons-en pour en citer quelques-uns !
Les références au roman de George Orwell sont nombreuses dans Metal Gear Solid V, la plus connue étant, sans aucun doute, l'affiche de « Big Boss is watching you ! » placardée un peu partout dans la Mother Base faisant référence à celle de Big Brother de 1984. Outre le fait que Big Boss partage les mêmes initiales que Big Brother, les deux personnages sont des hommes de l'ombre (8). « Il était impossible de savoir jusqu'à quel point la légende de Big Brother était vraie ou inventée » est-il écrit dans les pages du livre de 1984 (e). Une définition qui rejoint la légende de Big Boss décrite par Big Mama dans Metal Gear Solid 4 : Guns of the Patriots. (9) Mais l'idée de Big Brother peut aussi faire référence aux Patriots (10), dont le mystère débuta avec Metal Gear Solid 2 : Sons of Liberty. « Personne n'a jamais vu Big Brother. Il est un visage sur les journaux, une voix au télécran. Nous pouvons, en toute lucidité, être sûrs qu'il ne mourra jamais et, déjà, il y a une grande incertitude au sujet de la date de naissance. » (f) J'en reparlerai un peu plus tard.
Le monde de 1984 a également été ravagé par la guerre atomique, à Colchester par exemple. Un thème cher à Hideo Kojima depuis le premier Metal Gear.
La « Pièce 101 » de la plateforme de commandement où sont interrogés et torturés Huey et Quiet est une référence à la « Room 101 » du roman. Dans 1984, la Salle 101 est une pièce que redoutent tous les prisonniers dissidents du Parti de Big Brother. Ils vendraient littéralement père et mère pour ne pas s'y rendre. Car dans cette pièce, les pires sévices imaginables y sont pratiqués sans vergogne. Non pas pour y faire avouer les pauvres prisonniers, mais pour les persuader qu'ils ont été témoins d'hallucinations. Un véritable lavage de cerveau d'une violence crasse, parfois durant des années, qui se conclura toujours par une balle dans la nuque des prisonniers, avant de les faire disparaître de l'Histoire. Dans la Salle 101 de 1984, l'esprit humain est déchiré en morceaux, qui sont rassemblés ensuite sous de nouvelles formes que le Parti a choisies. Mais nous sommes bien loin des attentions de Revolver Ocelot ou de Miller lorsqu'ils torturent Huey ou Quiet.
Le discours de Skull Face est lui aussi teinté de 1984 lorsqu'il explique à Venom Snake que « cette guerre c'est la paix ». Cette citation est sortie tout droit de l'œuvre de George Orwell. À première vue, ces mots semblent totalement contradictoires. Aussi bien dans les plans de Skull Face (détaillés dans le jeu) que dans le livre de 1984 (11), la guerre est le lien qui unit tous les pays, même si pour y arriver, les deux œuvres parcourent des chemins bien différents (12).
Le nom des Diamond Dogs est lui-même inspiré de l'album éponyme de David Bowie qui devait être originellement l'adaptation musicale du roman 1984 avant que les héritiers de George Orwell refusent les droits au célèbre chanteur britannique.
La Fraternité, un groupe qui se révolte du régime totalitaire de Big Brother, a recours à des chirurgiens qui peuvent changer le visage des adhérents et les rendre absolument méconnaissables pour arriver à leurs fins. Parfois l'amputation d'un membre est même nécessaire.
Dans le livre 1984, le personnage principal, Winston Smith, n'a jamais vraiment la certitude d'être en 1984. Parallèlement, dans Metal Gear Solid V : The Phantom Pain, le joueur est confronté à des personnages tels que Miller, Big Boss et Skull Face. Tous semblent n'avoir que peu vieilli, voire pas du tout. Neuf ans sont passés, mais Skull Face (13) est habillé exactement de la même manière, comme si les événements de Ground Zeroes s'étaient déroulés la veille. C'est un sentiment curieux qui, même inconscient, projette le joueur dans une atmosphère intrigante où la méfiance plane sans visage précis. Toutefois, même si le temps semble s'être arrêté sur quelques personnages principaux, il est difficile de douter de la période du jeu. Lors de certaines conversations enregistrées sur cassettes, Ocelot et Venom Snake parlent de l'actualité du moment, qui a lieu entre 1980 et 1984. (14)
Dans 1984, Winston Smith essaie de retrouver des bribes de son passé, de son histoire, de l'Histoire en général. Il ne fuit pas pour l'oublier, comme le ferait un Big Boss Schizophrène. Dans Metal Gear Solid V : The Phantom Pain, même si Venom Snake précise bien à Kaz que ce n'est pas pour le passé qu'ils se battent mais pour l'avenir, il essaie lui aussi de retrouver la grandeur de sa Mother Base passée, et de revêtir sa légende qu'il n'a plus endossée depuis neuf ans.
Dans son article, Juliette explique très bien l'un des thèmes de Metal Gear Solid V : The Phantom Pain et la citation de Emil Cioran. « Quand tu évoques un simple mot, tu l'exprimes chargé de tout son sens social et historique, il n'est pas flottant mais ancré dans la société. » Dans 1984, il y a un thème similaire avec la puissance de la langue. Le novlangue, langue officielle de l'Océania, fut inventé pour répondre aux besoins du Parti de Big Brother. Son but est, non seulement de fournir un mode d'expression aux idées générales et aux habitudes mentales des dévots du Parti, mais aussi de rendre impossible tout autre mode de pensée. En d'autres mots, lorsque le novlangue est définitivement adopté, toute idée hérétique est littéralement impensable, du moins dans la mesure où la pensée dépend des mots. Le novlangue est destiné, non pas à étendre, mais à diminuer le domaine de la pensée. Comparé au nôtre, le vocabulaire novlangue est minuscule. Il s'appauvrit au fil du temps. Car s'il y a de moins en moins de choix dans les mots, il y a aussi moins de tentation pour réfléchir. Les gens deviennent donc parfaitement malléables. (15)
La cassette baptisée « Doublepensée » est également une référence au livre 1984. Bien plus qu'une référence, le jeu reprend le concept de la double pensée de George Orwell en devenant un élément primordial du jeu. Dans cette fameuse cassette, Ocelot rend visite à Big Boss qui est à l'hôpital. À ses côtés, dans un autre lit, Venom Snake n'est pas encore conscient. Le début de ses aventures est imminent. En attendant, Ocelot explique à Big Boss qu'il va avoir recours à la double pensée pour se persuader que Venom Snake est Big Boss, mais aussi pour oublier que le vrai Big Boss est ailleurs, en train de construire Outer Heaven dans le plus grand secret. La double pensée est un mot novlangue, qui veut dire « Contrôle de la Réalité ». C'est à la fois connaître et ne pas connaître. En pleine conscience et avec une absolue bonne foi, Ocelot émet des mensonges soigneusement agencés. Il retient simultanément deux opinions qui s'annulent alors qu'il les sait contradictoires et il croit à toutes les deux. Il oublie tout ce qu'il est nécessaire d'oublier, puis il le rappellera à sa mémoire quand il en aura besoin, pour oublier plus rapidement encore. C'est un acte très subtil, car c'est persuader consciemment l'inconscient, puis devenir ensuite inconscient de l'acte de l'hypnose que l'on vient de perpétrer. Comme l'écrit George Orwell dans son livre, la compréhension même du mot « double pensée » implique l'emploi de la double pensée. Ainsi, si Ocelot décide que deux plus deux égale cinq, il le croira dur comme fer. En d'autres mots, Ocelot croit davantage que Venom Snake est Big Boss, plutôt que de le savoir. (2)
Tous les arguments de la théorie « Venom = Big Boss » reposent entièrement sur un seul raisonnement que beaucoup d'adeptes considèrent comme étant indubitable. D'après eux, le nom « Vérité » de l'épisode 46 ferait référence au Ministère de la Vérité du roman 1984, où les archives historiques sont remaniées pour qu'elles correspondent au passé de la version officielle du Parti de Big Brother. Pour eux, les éléments et les conclusions dévoilés dans le chapitre 46 de Metal Gear Solid V ne peuvent donc qu'être erronées dans le but de tromper le joueur. Venom Snake ne serait donc pas le double de Big Boss, mais bien Big Boss lui-même. Pour ceux qui ont lu le livre de George Orwell, cet argument est un raccourci facile. En réalité, le Ministère de la Vérité a de multiples tâches qui ne se résument pas seulement à falsifier le passé. En effet, « l'activité essentielle du Ministère de la Vérité n'est pas de reconstruire le passé, mais de fournir aux citoyens de l'Océania des journaux, des films, des manuels, des programmes de télécran, des pièces, des romans, le tout accompagné de toutes sortes d'informations, d'instructions et de distractions imaginables, d'une statue à un slogan, d'un poème lyrique à un traité de biologie et d'un alphabet d'enfant à un nouveau dictionnaire novlangue ». (g) En revanche, Winston Smith, travaille au Commissariat aux Archives qui est chargé de mettre le passé à jour, sans aucune mention de modification, afin que le Parti puisse prouver, avec des documents à l'appui, que ses prédictions s'étaient trouvées vérifiées. L'Histoire est grattée et réécrite aussi souvent qu'il était nécessaire. Vous noterez ainsi que le lien entre le nom du chapitre « Vérité » et du livre 1984 est loin d'être aussi évident que les adeptes de la théorie « Venom = Big Boss » aiment vouloir le dire. Si les références à l'oeuvre de George Orwell sont nombreuses dans Metal Gear Solid V, ce n'est pas forcément le cas pour le chapitre « Vérité » dans lequel Venom Snake est informé de sa véritable identité. Il est le fantôme de Big Boss. Car qui dit fantôme (16), dit aussi Skull Face (17). En effet, le commandant des XOF est l'autre fantôme de Big Boss. Lors de son dernier discours adressé à Venom Snake, l'homme sans visage raconte longuement les raisons pour lesquelles il est devenu son adversaire. « Ma patrie, ma vérité m'ont été volées. Comme le fut mon passé. Il ne me reste que l'avenir. » Cette vérité fait évidement référence à son identité. Elle lui a été volée alors qu'il était encore un jeune enfant. Arraché des siens par des soldats étrangers, Skull Face a perdu ses repères et la guerre a bouleversé radicalement sa personnalité. Dans le chapitre « Vérité », il est question de l'identité de Venom Snake, sa vérité. La vérité du deuxième fantôme de Big Boss. À l'instar de Skull Face, il ne lui reste que l'avenir. Telle est ma propre interprétation du titre de l'épisode 46 « Vérité ». Les dangers du traitement de l'information que dénonce 1984 sont largement traités à travers toute l'aventure de Metal Gear Solid V : The Phantom Pain (18). Le jeu raconte une vérité, en laissant une part de mystère. Mais en aucun cas, MGSV n'impose, à propos d'un événement, que « cela ne fut jamais » comme le fait le Parti de la Vérité dans 1984 en falsifiant ses archives. (h) Plutôt que le titre de l'épisode, c'est la citation de Friedrich Nietzsche qui annonce la couleur de l'expérience que nous offre Hideo Kojima avec The Phantom Pain. « Les faits n'existent pas, il n'y a que des interprétations » nous prévient le philosophe allemand. Rappelez-vous. Du premier artwork « Big Boss wants You ! » jusqu'au chapitre 46, Hideo Kojima nous a donné une véritable leçon de vie en illustrant avec brio la citation de Nietzsche. « Les faits n'existent plus, il n'y a plus que l'interprétation que l'on a des images que l'on nous expose » expliquait Juliette dans son article. En effet, avec The Phantom Pain, nous pensions qu'on allait vivre la légende de Big Boss telle que nous l'avions imaginée, grâce aux images ou aux trailers qui nous ont nourris pendant trois ans. Mais la vérité fut tout autre, si éloignée et si proche à la fois. Car nous avons bien vécu la légende de Big Boss, mais avec ses exagérations et ses mensonges élaborés par Zero et surtout la légende décrite, quelques années plus tard, par Big Mama dans Metal Gear Solid 4. L'absence physique du « vrai » Big Boss plane sur Metal Gear Solid V : The Phantom Pain comme elle a toujours plané dans la série « Solid ». La légende de Big Boss s'impose finalement comme le symbole d'un héritage que tous se disputent, aussi bien les personnages que nous, les joueurs, aujourd'hui. Mais à la fin de l'histoire, au terme de la saga, c'est le joueur qui l'emporte, parce que le rôle, l'avenir, la légende de Big Boss lui sont offerts par Hideo Kojima. Le chirurgien manque de cohérence !
À partir du postulat indubitable selon lequel le titre de l'épisode 46 confirmerait que tout n'est que mensonge, les défenseurs de la théorie « Venom = Big Boss » s'attaquent ensuite à des éléments plus concrets, moins symboliques, plus techniques, oubliant pourtant que Metal Gear Solid V : The Phantom Pain est un jeu vidéo. Dans ce cas-ci, la théorie voudrait que le chirurgien manque de cohérence quel que soit l'épisode du jeu. Pourtant, plusieurs détails importants ne changent pas. « Vos ennemis sont partout. Nous devons modifier votre apparence tout de suite. J'ai peur que ce soit le seul moyen pour vous de sortir d'ici vivant » nous confie le chirurgien, dans le prologue et dans la mission 46. Pour les adeptes de la théorie « Venom = Big Boss », nous sommes confrontés ici à une incohérence de taille. Alors que Venom Snake se réveille avec le visage de Big Boss dans le prologue, le médecin lui propose de modifier son visage pour tromper ses ennemis. Dans la mission 46, Venom Snake ouvre les yeux avec son propre visage et le médecin lui propose de changer son apparence en celle de Big Boss, alors que le visage de ce dernier est pourtant bien connu de ses ennemis. Vous avez dit illogique ? Objection ! L'interprétation des paroles du chirurgien citées ci-dessus est évidemment très différente pour le joueur quand il les entend pour la première fois au début de son aventure, que lorsqu'il la termine. Dans le prologue, Venom Snake a le souvenir de se réveiller de son coma avec le visage de Big Boss. Il interprète donc les paroles du chirurgien comme étant le vrai Big Boss : « Je suis Big Boss, je dois donc changer d'apparence pour me protéger ». Ceci illustre parfaitement l'état d'esprit dans lequel se trouve le joueur en commençant le jeu pour la première fois. « Big Boss se réveille, après toute cette attente, découvrons enfin ce qui lui arrive ! » L'état d'esprit du joueur, à ce moment précis de l'aventure, est d'ailleurs bien résumé par Hideo Kojima en juin 2016 : « Au début de The Phantom Pain, Snake se trouve dans une situation similaire à celle du joueur qui joue à son premier Metal Gear Solid. Il y a un grand vide à combler. » Lâché dans le monde ouvert de Metal Gear Solid V, Venom Snake a souvent été confronté à des choix plus ou moins importants. Le joueur pouvait, par exemple, choisir de sauver Quiet ou de la tuer, d'aller prendre des nouvelles de Paz, ou encore la façon dont il souhaitait accomplir ses missions. Jamais un Metal Gear Solid ne nous avait offert une liberté comme celle-ci, jamais Snake n'a été aussi maniable qu'avec Metal Gear Solid V. Et pour cause, nous ne jouons pas aux côtés de Venom Snake, nous sommes Venom Snake. La vérité était devant nos yeux, dans nos mains, dans nos choix. Et puis, qui n'a pas été interpellé par un élément étrange dans sa partie, avant d'arriver à la mission 46 ? Et là, soudainement, parmi les missions à refaire une deuxième fois, on nous offre l'épisode 46. La seule mission où la liberté n'a pas jamais trouvé sa place. Ici, Hideo Kojima nous impose de refaire la mission qu'il a toujours considérée comme étant une sorte de didacticiel du jeu. Quoi ?! Un didacticiel après une centaine d'heures de jeu ?! C'est dans état d'esprit étrange que le joueur aborde cette toute dernière mission. C'est le début du déclic du joueur qui se demande à quelle sauce Hideo Kojima va le manger... Ce déclic, Hideo Kojima l'a métamorphosé dans le jeu par le biais d'une cassette enregistrée par Big Boss. Alors, quand la cassette génère un déclic dans son esprit dans la mission 46, Venom Snake se rappelle qu'il a, en réalité, ouvert les yeux avec son propre visage. « Je suis un MSF qui a fuit la mort lors de l'attaque de la Mother Base, je dois donc changer d'apparence pour me protéger. » Dans ce deuxième cas de figure, la chirurgie a bien eu lieu. Toutefois, ni le médecin, ni le jeu ne demandent au joueur ce qu'il souhaitait comme nouveau visage. On lui a imposé le visage de Big Boss. Un choix certes curieux au premier abord, mais qui sera expliqué à la fin de l'épisode : Venom Snake doit jouer le double de Big Boss. Un changement de visage en 48 heures ? C'est impossible !
Les défenseurs de la théorie « Venom = Big Boss » ont tendance à oublier que Metal Gear Solid V est un jeu vidéo. Pourtant, The Phantom Pain ne cesse de le rappeler. Par exemple, lorsque Venom Snake se réveille, le médecin invite le joueur à presser sur les touches de sa manette pour regarder en haut, en bas, à gauche et à droite. Plus tard, Venom Snake peut même admirer une affiche d'un jeu vidéo dans un des couloirs de l'hôpital chypriote, en l'occurrence un poster de Metal Gear Solid V : Ground Zeroes, le prologue du jeu dans lequel Venom Snake se réveille. Dès lors, comment peut-on parler de réalisme quand on voit un enfant qui vole, lorsqu'on croise un homme en flammes invincible (19), des Skulls aux aptitudes surhumaines ou quand on doit combattre un Metal Gear Sahelanthropus contrôlé par la pensée ? Le chirurgien montre à Venom Snake sa véritable identité. C'est illogique ! Metal Gear Solid V : The Phantom Pain étant un jeu vidéo et se revendiquant comme tel, il était important pour Hideo Kojima que Venom Snake s'entremêle les souvenirs pour tromper le joueur, sur le plan vidéoludique. Lorsque le chirurgien montre à Venom Snake les deux photos et le petit mot de Big Boss adressé au joueur [un jeu vidéo je vous dis !], la scène a évidemment pour objectif de nous faire comprendre l'identité de Venom Snake. Mais de manière symbolique, on peut également interpréter ce geste, ce cadeau comme étant le dernier « repas » du condamné qui va bientôt perdre sa propre identité et son passé. Venom Snake peut tout avoir inventé, puisqu'il imagine l'existence de Paz ! Au début du jeu, le médecin et Ocelot préviennent Venom Snake d'un danger potentiel. En effet, le shrapnel qui se trouve dans son crâne exerce une pression sur le nerf optique de Venom Snake. N'importe quel impact violent peut causer un effet sur son cortex visuel. Dès lors, son cerveau peut traiter de manière incorrecte les informations visuelles. En d'autres mots, il peut avoir des hallucinations. Il peut voir des choses qui ne sont pas là (Paz) ou ne pas voir les choses telles qu'elles sont réellement (vision de couleurs pâles). (4) Il est important de souligner que le prologue s'est déroulé entre les avertissements du chirurgien (plutôt centrés sur les hallucinations) et ceux de Revolver Ocelot (plutôt axés sur les problèmes de perception de couleurs). Une grande partie de ce prologue a largement été dévoilée lors de la campagne marketing de MGSV. Si bien qu'avant même de lancer le jeu pour la première fois, le joueur s'imaginait déjà que Venom Snake allait avoir affaire à de nombreuses hallucinations durant le début du jeu. Les propos du chirurgien renforcèrent ce sentiment, une fois la manette en mains. Ishmael et sa disparition soudaine, l'enfant qui flotte, l'homme en feu, la licorne, la baleine dans le ciel avalant un hélicoptère,... Tant d'éléments étranges qui poussèrent le joueur à s'imaginer qu'il aura affaire pendant le jeu à des hallucinations fantastiques. Et pourtant, la seule hallucination à laquelle Venom Snake et le joueur ont été confrontés est celle sur Paz dans l'infirmerie de la Mother Base. Bien loin des éléments fantastiques du prologue, comment le joueur pouvait-il imaginer que la jeune femme soit le fruit d'une hallucination ? En outre, après de nombreuses heures de jeu, tous les événements étranges du prologue sont peu à peu expliqués de façon concrète. Dès lors, la surprise sur le dénouement au sujet de l'existence de Paz à la fin du jeu ne pouvait qu'être plus grande.
Zero ne reconnaît pas Big Boss lorsqu'il vient lui rendre visite ! Pourtant le médecin n'a pas encore pratiqué une chirurgie sur Venom Snake. C'est illogique !
Voilà une autre preuve pour les adeptes de la théorie « Big Boss est schizophrène » que Venom Snake n'a pas subit de chirurgie. Mais alors, comment son pire ennemi ne l'a-t-il pas reconnu ?! Un jour, Zero se rend à l'hôpital pour rendre visite à Big Boss une dernière fois. Lorsqu'il entre dans la chambre, deux lits font face à lui. Zero ne reconnaît pas Big Boss, si bien qu'il doit s'informer. (30) Mais est-ce vraiment si surprenant ? Nous sommes en 1977, soit deux années après les événements de Ground Zeroes. Big Boss et Venom Snake sont tous les deux dans le coma. À l'écoute de la cassette qui relate cette dernière visite, on distingue clairement deux assistances respiratoires. C'est dire dans quel état les nos deux héros se trouvaient à l'époque. Ajoutons à cela la présence de bandages pour cacher les visages des deux hommes. Rappelez-vous des paroles du chirurgien : « À vrai dire, ces bandages ont surtout servi à vous cacher d'éventuels agresseurs ». Sans oublier que Zero est loin d'être au milieu de sa forme, lui qui est mourant à cause d'un parasite (29). Dès lors, le fait que Zero ne reconnaisse pas Big Boss est-il toujours si surprenant ?(20) Les cassettes de la vérité sont fausses !
Pour enrichir le jeu, certaines cassettes ne sont adressées uniquement qu'au joueur, tels que Les Enregistrements Secrets de Skull Face et Code Talker, Les Hamburgers de Kazuhira Miller, etc. C'est aussi le cas pour Les Enregistrements de la Vérité. Je ne pense pas qu'elles soient le fruit d'une manipulation et d'une falsification d'informations, comme les archives traitées dans 1984. Car dans l'œuvre de George Orwell, c'est la totalité des archives de l'Océania qui est constamment mise à jour. Dans le cas des Enregistrements de la Vérité, certains d'entre eux sont des archives bien réelles et facilement vérifiables, tels que : Les Enfants Terribles, L'économie de Guerre, Contrôle de l'information par Cipher, Zero a été attaqué [2], L'explication de Paz : Localisation de Zero, etc. En revanche, les cinq cassettes du « Journal de Paz » n'existent pas. Elles matérialisent le mal être de Venom Snake pour le joueur. Il s'agit, ici, d'un moyen vidéoludique de partager pour les joueurs les sentiments de culpabilité de Venom Snake. Paz a disparu tragiquement, de façon horrible, lors des événements de Metal Gear Solid V : Ground Zeroes. Les hallucinations à son sujet, les cassettes destinées au joueur, représentent le travail intérieur de Venom Snake pour faire son deuil. À la fin du jeu, il finit par y arriver, en se rappelant que Paz a été heureuse sur la Mother Base. Même si ces moments de paix n'ont été que de courte durée, ils n'en restent pas moins les plus importants. C'est exactement ce à quoi nous sommes tous confrontés lorsque nous perdons un proche, principalement quand il a été fauché trop tôt par la mort. Nous sommes rongés par la tristesse, il arrive qu'on culpabilise pour une raison ou une autre, mais en fin de compte on surmonte ces sentiments avec le temps, en pensant aux meilleurs moments que nous avons passés avec ce proche. Durant les quatre premières cassettes, Paz raconte qu'elle doit écrire les paroles d'une chanson pour la journée de la paix, sur un type de musique japonais appelée « Enka ». Ce genre de musique « va droit au cœur, avec une ouverture triste, puis un sentiment de vie progresse au fur et à mesure qu'elle se déroule ». La cinquième et dernière cassette est construite avec le même équilibre qu'une chanson Enka. Si la cassette est triste au début, elle se termine avec une véritable note d'espoir et de paix (intérieure). (21) Sous ses bandages, Ishmael n'a pas de barbe et ses deux yeux sont fonctionnels ! Il s'agit probablement d'un des arguments le plus souvent utilisé par les défenseurs de la théorie « Venom = Big Boss ». Mais auraient-ils déjà oublié Joakim Mogren et Moby Dick Studio ? En 2013, lorsque Hideo Kojima est apparu sous les traits de Joakim Mogren sur la scène de la GDC 2013, ses yeux bridés étaient cachés par un masque, identique à celui de Ishmael. Mais cela n'est qu'un détail. Même le chien D.D., pourtant borgne lui aussi, peut avoir ses yeux fonctionnels si le joueur le souhaite. Ishmael ne fait pas une piqûre à Venom Snake, mais à lui-même. Big Boss se parle donc à lui-même ! Si le geste peut laisser un petit doute dans la cinématique du jeu, il n'en est rien lors de la présentation de gameplay à la GDC 2013 où l'on voit très clairement Ishmael faire une piqûre sur le haut du bras gauche de Venom Snake. En outre, il ne faut pas oublier que ce dernier est amputé. Lors d'une interview fin mars 2013, Geoff Keighley faisait remarquer à Hideo Kojima qu'en visionnant le trailer, on avait l'impression qu'il y avait une troisième personne sur une civière, aux cotés de Kaz et de Snake. Comme si la scène se déroulait à travers le regard d'une troisième personne. En effet, à la fin de cette scène, Kaz s'exclame « Comment va-t-il ?» [What about him?]. « En fait, c'est moi ! C'est Hideo Kojima » expliquait le papa de Snake à Geoff Keighley. « D'une certaine manière, je suis un fantôme et j'observe mes créations et je leur demande : "Hé! Vous êtes morts ? Je suis toujours là !" ». Des propos qui prennent tout leur sens aujourd'hui, d'autant plus qu'une démo de gameplay sur l'hôpital avait été dévoilée par Hideo Kojima lors de la conférence du Fox Engine, quelques heures plus tôt ! Dans l'hôpital, Ishmael n'est jamais blessé !
Comme l'explique si bien Manji dans son analyse du jeu, au-delà d'Ishmael, c'est toute la mise en scène de l'épisode de l'hôpital qui jouit d'un traitement fantastique, au sens artistique du terme. Hideo Kojima a créé une frontière, une zone entre le réel et le surnaturel pour que le joueur perde ses repères en jouant, notamment sur la perception des événements. Venom Snake vient de se réveiller après neuf ans de coma. Quoi de plus immersif pour le joueur que de titiller ses acquis pour lui faire vivre cette traversée de l'enfer ! Quelques jours avant la conférence du Fox Engine de la GDC 2013, Hideo Kojima devait se déguiser en Joakim Mogren pour une interview. Mais le manque de temps a eu raison de son projet, et c'était finalement un acteur qui endossa ce rôle. Si Hideo Kojima, le Big Boss de KojiPro, avait été derrière son masque comme il était prévu initialement, les événements auraient pris une autre tournure. Les fans n'auraient jamais débattu, à l'époque, sur la question de savoir si Joakim Mogren était le fruit du Fox Engine, mais plutôt sur l'identité même du mystérieux personnage. « Je pense que c'est important de laisser des indices » expliquait Hideo Kojima un jour avant l'interview de Joakim Mogren, le 14 mars 2013. « Mais dans un sens, je pense aussi qu'il est important d'induire les gens en erreur avec ces indices, car si c'est trop prévisible, ce n'est plus amusant. » Sur sa moto, Big Boss n'a aucune cicatrice !
Sur la jaquette de Ground Zeroes, Big Boss est blessé au visage avec une petite cicatrice sur sa pommette gauche. Les adeptes de la théorie « Venom = Big Boss » aiment souligner que cette blessure n'est plus présente sur son visage, neuf ans plus tard. Cela prouverait que la scène de Big Boss sur sa moto ne soit qu'une hallucination de sa part, alors qu'il serait encore inconscient dans l'ambulance. Dans The Phantom Pain, Venom Snake peut être blessé de la même manière, voir même d'avantage (perfusion intraveineuse). Et pourtant, une simple douche permet de faire disparaître toutes ses blessures, même les plus graves ! Avant de devenir Venom Snake, le médecin a protégé Big Boss dans l'hélicoptère lors des événements de Ground Zeroes. À son réveil, Venom Snake n'a pas plus de cicatrice que Big Boss n'en a sur sa moto (sauf si le joueur a pris le soin d'en choisir lors de la création de son avatar). En plus d'être dans un jeu vidéo, nous sommes en 1984, soit neuf ans après le crash, c'est à dire neuf ans de coma et de convalescence. Il y a du temps pour se rétablir. Les cicatrices de Venom Snake sont, quant à elles, le résultat d'une chirurgie pratiquée en urgence puisque le réveil de Venom Snake a engendré des événements inattendus et dangereux (22). Et ne me parlez pas de la présence douteuse de ces mêmes cicatrices sur son visage alors que Venom Snake se regarde dans le miroir onze ans plus tard, peu avant les événements de Metal Gear. Cette scène est purement symbolique ! Venom Snake lancerait-il vraiment Metal Gear sur MSX avant d'aller combattre Solid Snake ? Big Boss n'a pas vieilli !
En neuf ans (surtout de convalescence), certaines personnes vieillissent fort peu physiquement. Prenez Hideo Kojima. Les années passent et le Japonais semble ne pas vieillir. Et votre serviteur sait de quoi il parle. Je ne fais absolument pas mon âge... Sur la jaquette de The Phantom Pain, Venom est placé de côté, comme s'il avait quelque chose à cacher !
Initialement sur la jaquette de Metal Gear Solid V : Ground Zeroes, Big Boss devait être aussi placé de côté avec Skull Face. « En fait, j'ai voulu mettre Snake ensanglanté et Skull Face sur la version occidentale mais elle était terrifiante et elle me rappelait [le film] "Enemy Mine" [de Wolfgang Petersen] » déclarait Hideo Kojima en décembre 2013. Dans ces cas-là, je ne suis pas sûr que les jaquettes de Metal Gear Solid V aient des significations cachées. « From The Man Who Sold The World »
Pour les adeptes de la théorie « Venom = Big Boss » la cassette « From The Man Who Sold The World » est une preuve irréfutable que Big Boss est schizophrène. Outre le fait que Hideo Kojima soit un grand fan de David Bowie, la présence de la chanson « The Man Who Sold The World » dans le jeu n'est pas surprenante puisqu'elle évoque un double. Le 8 janvier 1997, David Bowie a partagé son interprétation sur le sens du titre qu'il admet compliqué. « Je crois que je l'ai écrite parce que j'étais à la recherche d'une partie de moi-même. Aujourd'hui, je me sens plus à l'aise avec ma façon de vivre, avec ma santé mentale [rires], mon état d'esprit et tout ça. J'ai une sorte d'impression d'unité. Pour moi, cette chanson a toujours symbolisé la façon dont on se sent quand on est jeune, quand il y a une partie de soi-même qui n'est pas encore tout à fait en place. Il y a cette période de recherche, ce besoin de découvrir qui on est vraiment. » Les propos de David Bowie ne semblent pas être aussi catégoriques sur un sens schizophrénique pur et dur, comme l'entendent les défenseurs du « Big Boss schizophrène voulant fuir à la rage qui le consume ». À moins que nous ayons tous été schizophrènes un jour, quand nous étions jeunes ? Mais pas besoin de schizophrénie pour que la chanson de David Bowie cadre bien avec la vérité révélée dans l'épisode 46. Nous sommes Venom Snake, et il est le double de Big Boss. Pour raviver la mémoire de Venom Snake, Big Boss lui a envoyé une cassette. En l'écoutant, un souvenir que Venom Snake n'avait pas cherché, lui vint à l'esprit. Sur la face A est indiqué le titre « From The Man Who Sold The World » (de la part de l'homme qui trompa le monde). À l'écoute, on apprend, de la bouche de la légende elle-même, que nous sommes à la fois le médecin mais surtout Big Boss métaphoriquement parlant et officiellement aux yeux du monde. Avec cette scène, Hideo Kojima boucle la boucle en créant un espace vide pour les joueurs laissant la place à leurs propres interprétations. Alors, oubliez l'hôpital chypriote et ses détails techniques sans grande importance. Désormais, c'est à nous de décider de l'avenir (et du passé) de la légende de Big Boss. Est-ce que c'est Venom Snake qui a construit toute la légende de Big Boss ? A-t-il rencontré les personnages cultes comme Sniper Wolf ? Venom Snake est-il devenu un monstre à l'instar de Skull Face ? S'est-il sacrifié pour la cause comme The Boss en son temps ? Big Boss et Venom Snake sont-ils un jour entrés en conflit ? Big Boss a-t-il envoyé Gray Fox et Solid Snake pour éliminer Venom Snake ? Il y a tant de questions jubilatoires que le joueur peut désormais s'imaginer en créant lui-même sa propre légende. En outre, Hideo Kojima souhaitait initialement débuter Metal Gear Solid V : The Phantom Pain avec la musique « Diamond Dogs », un autre titre de David Bowie. Mais dans une interview, au micro du site japonais 4gamer, Hideo Kojima expliqua que son équipe était contre cette idée. La responsabilité est le prix de la liberté
Comme vous le voyez, si la théorie « Venom Snake = Big Boss » apporte indéniablement un nouveau twist à l'histoire, elle efface beaucoup trop de messages et de symbolisme. L'histoire devient presque trop littérale, malgré la présence de plusieurs explications hallucinatoires d'un Big Boss schizophrène. La rapidité de deux twists contradictoires, ne laissant même pas aux adeptes de la théorie de digérer et d'apprécier le premier, me rappelle la rapidité avec laquelle les habitants de l'Océania dans 1984 acceptent sans broncher que leur pays n'est soudainement plus en guerre contre l'Eurasia mais contre l'Estasia. En effet, lors de son discours, un orateur du Parti intérieur pointe du doigt à la fin de sa phrase l'ennemi de la nation, qui était pourtant un allié au début de sa même phrase (23). Je comprends toutefois que des joueurs préfèrent vivre Metal Gear Solid V : The Phantom Pain sous cet angle. Mais, comme je l'ai montré dans cet article, je trouve que l'expérience perd beaucoup trop de son âme.
À titre d'exemple personnel, je me souviens de l'épisode 43 « Des Lumières, Même dans la Mort » durant lequel Venom Snake est contraint de tuer une partie de ses hommes infectés par des parasites. Lors de ma première partie, je me sentais coupable de ce que j'étais en train d'accomplir. Je n'étais pas bien. Je grimaçais à chaque fois que j'appuyais péniblement sur la détente. Après quelques « meurtres », j'essayais de me réconforter dans l'idée que, jouant avec Big Boss, je faisais forcément le bon choix... Puis vient la mission 46 « Vérité », où j'apprends que Venom Snake c'est nous. C'est toi. Mais c'est surtout moi !!! Ma première réaction a été de remercier intérieurement Hideo Kojima pour ce formidable cadeau. Mais une fois que j'ai repris la manette pour rejouer la mission 43, je ne pouvais plus me cacher derrière Big Boss pour accomplir ces actes ignobles. Car c'était bien moi qui étais en train de tuer mes hommes. Des hommes loyaux envers le vrai Big Boss, et qui pourtant ne sauront jamais qu'ils n'étaient finalement qu'au service d'un « faux » Big Boss. Cette mission est devenue encore plus écoeurante que ce qu'elle était la première fois. L'épisode 43 est l'un de ces nombreux moments où les joueurs prennent conscience de leurs actes et les responsabilise (24). Ils gardent une trace de leurs actions. Et c'est l'un des coups de maître de Hideo Kojima qui disparaît avec l'hypothèse « Venom Snake = Big Boss ». C'est un peu comme si la cinématique finale de MGS3, où Naked Snake pointe son arme en direction de The Boss, n'était pas jouable. « Les fantasmes peuvent être un puissant allié, mais n'oublie pas cette réalité » (25)
En faisant le lien avec le thème de 1984, l'hypothèse selon laquelle Big Boss est schizophrène n'est pas évidente et manque d'intérêt à mon sens. Dans 1984, Big Brother modifie des documents dans un but précis, celui de garder le pouvoir. La fin du livre indique que c'est un succès, car même ses plus grands opposants sont vaporisés. Avec son livre, George Orwell dénonce ainsi la dangerosité d'un monde totalitaire. L'un des thèmes principaux de 1984 est donc la désinformation et ses dangers. Jamais, Metal Gear Solid V n'a désinformé les joueurs. Aucun trailer n'a menti. En revanche, l'interprétation est l'un des thèmes de The Phantom Pain (26). Depuis la première bande annonce, nous pensions avoir affaire à Big Boss, et nous pensions jouer avec lui. Mais ce n'était pas lui, même si les faits nous semblaient si évidents. « Les faits n'existent pas, il n'y a que des interprétations » disait Friedrich Nietzsche... Et puis, que dénoncerait Hideo Kojima avec la schizophrénie de son personnage ? Pourquoi Big Boss se mentirait à lui-même ? Certains répondent à cette question, « pour échapper à ses actes horribles commis dans MGSV ». Dans ce cas, s'imaginerait-il vraiment être un double, identique en tous points, trait pour trait, à lui-même, tant physiquement que mentalement ? S'imaginerait-il ensuite recevoir une cassette audio d'encouragement de lui-même pour se dire : « C'est bien. Continue à faire ce que ton double a commencé, continue sur sa (ta) lancée » ? Ce dédoublement de personnalité est peine perdue puisqu'en redevenant Big Boss, il continue son œuvre dans les épisodes suivants. Depuis la fin de Metal Gear Solid 3 : Snake Eater, Big Boss ne change plus de direction. Il poursuit un même but, construire Outer Heaven, quel qu'en soit le prix. Si la « Vérité » de Metal Gear Solid V : The Phantom Pain avait été aussi proche de 1984, Big Boss aurait probablement été un adepte de la double pensée. D'ailleurs, analysons cette hypothèse, plutôt que de la survoler. Big Boss, adepte de la double pensée ?
Au début de la mission 46 « Vérité », Big Boss pourrait très bien avoir recours à la double pensée pour se faire croire à lui-même qu'il n'est que son fantôme : Venom Snake. L'épisode 46 serait, alors, le fruit de son imagination, ou plutôt l'acte visuel de sa double pensée. L'épisode 46 serait donc uniquement destiné au joueur, au même titre que la cassette de la double pensée avec Ocelot enregistrée à l'hôpital. Elle permettrait donc aux joueurs de comprendre que Big Boss a eu recours à la double pensée. En d'autres mots, Big Boss se persuade qu'il n'est pas Big Boss à la fin de Metal Gear Solid V. Et au début de Metal Gear, il se souvient de sa véritable identité en écoutant la cassette « From The Man Who Sold The World » qu'il a lui-même enregistrée quelques années auparavant. Le problème c'est qu'on en arrive toujours aux mêmes incohérences inexplicables citées en ce début d'article. On pourrait très bien les résoudre en imaginant que la majeure partie de Metal Gear Solid V : The Phantom Pain ne soit qu'un énorme flash-back, un souvenir jouable de Big Boss. Dans ce cas précis, la double pensée de Big Boss rajusterait sans cesse son passé. Par exemple, contrairement à la réalité, Big Boss se persuaderait et, dès lors, croirait dur comme fer que Huey a eu une réaction bizarre en le voyant, lors de leur première rencontre en Afghanistan. Mais cette hypothèse fait naître une plus grande incohérence encore ! Dans la majeure partie de Metal Gear Solid V : The Phantom Pain, Venom Snake est bel et bien persuadé d'être Big Boss, et non pas son fantôme. Retour donc à la case départ. Si son double était le fruit d'une schizophrénie ou d'une double pensée de la part de Big Boss, il aurait été plus intéressant d'être un fantôme au physique différent de Big Boss durant la majeure partie de Metal Gear Solid V : The Phantom Pain. Le joueur penserait ainsi avoir affaire à un autre personnage dès le début, pesterait sans remord sur Hideo Kojima, et la fin du jeu dévoilerait la supercherie. Quoi qu'il en soit, cela reste incompatible avec le message de fin de Metal Gear Solid V : The Phantom Pain qui est celui de « rendre Snake au joueur » et de lui permettre de boucler la boucle. En outre, quel serait l'intérêt d'effacer le joueur au profit de Big Boss à la fin du jeu ? Surtout dans le cas de Metal Gear Solid V : The Phantom Pain. Ce cinquième épisode fait totalement honneur au joueur avec un gameplay riche où le maître mot est « liberté ». J'ai beau creuser le problème dans tous les sens, je n'arrive pas à voir l'utilité de passer d'un twist à un autre en quelques minutes, si ce n'est de conforter le joueur, en le laissant jouer avec le vrai Big Boss qu'il attendait. Hideo Kojima passerait d'un coup de génie à une simple fin, aussi intéressante que « non en fait, c'était un rêve ! ». Imaginez un peu si un deuxième twist avait rapidement contredit le premier à la fin des films comme Usual Suspects, Le Sixième Sens, The Game, Fight Club, The Others, Shutter Island, L'Echelle de Jacob, eXistenZ, L'Empire contre Attaque, La Planètes des Singes, S7ven, etc. Ce serait décevant, n'est-ce pas ? Et puis, avec ce deuxième twist, la citation de Nietzsche ne toucherait plus le jeu dans sa globalité et encore moins dans la campagne marketing qui l'a précédé durant trois ans. La citation toucherait seulement quelques minutes de jeu, et deux ou trois éléments d'un seul chapitre, celui de la mission 46. Quand Venom Snake est confronté à l'hallucination avec Paz, il interprète ce qui s'est passé. Malgré les événements qu'il a vécus dans Ground Zeroes, il part du fait que Paz est vivante, Il interprète donc une solution pour comprendre comment Paz est vivante. Mais son interprétation est forcément erronée puisqu'il est parti d'un fait erroné : Paz est vivante. Nous, les joueurs nous avons fait exactement pareil avec les trailers de MGSV durant trois ans, en analysant ce qui nous était présenté (27), en pensant qu'on jouerait avec le vrai Big Boss. Plus tard, après la sortie du jeu, certains d'entre nous semblent continuer dans cette même voie, avec le personnage Ishmael, par exemple. « Ishmael n'a pas de barbe, il ne peut être Big Boss ! ». C'est une interprétation qui, comme l'existence de Paz, n'est pas forcément exacte. C'est pourquoi, il ne faut pas s'arrêter à de simples faits, à de simples éléments matériels, à de simples détails, tant ils peuvent être trompeurs. Ishmael n'existe pas ? Peut-être. En tout cas, il a été considéré comme étant une hallucination pour beaucoup d'entre nous, avant la sortie de Metal Gear Solid V. C'était peut-être son rôle dans la campagne marketing du jeu. Mais si Joakim Mogren n'existe pas, Hideo Kojima, caché sous son masque, existe bel et bien ! Le rôle d'Ishmael a peut-être volontairement changé avec la sortie de Metal Gear Solid V. Ishmael pourrait très bien être Big Boss et Hideo Kojima à la fois. Un personnage qui n'a ni barbe et ni yeux bridés. Un mélange de ces deux « personnages » en somme. Dans le jeu, alors que Big Boss aide son double à sortir vivant de l'hôpital, Hideo Kojima tient par la main, une dernière fois, le joueur pour l'aider à passer du monde fermé des anciens MGS vers le monde ouvert de The Phantom Pain. Ensuite, le joueur et Venom Snake sont libérés par Ishmael pour qu'ils écrivent ensemble, à leur tour, la légende de Big Boss, grâce aux nombreux choix qu'offre le monde ouvert de Metal Gear Solid V : The Phantom Pain. Ce n'est pas un fait, mais une simple interprétation de ma part, parmi tant d'autres. Et puis, n'est-ce pas plus grisant de se dire que le véritable Big Boss nous a observés lorsque nous avons fui, à cheval, le redoutable Homme en Flammes ? Qu'il nous observait pendant que nous développions la Mother Base. Car, l'affiche du « Big Boss is watching you ! » pourrait être également une référence au véritable Big Boss qui nous regarde, à l'instar de Solid Snake dans son hélicoptère lorsqu'il observait Raiden combattre Solidus sur la Big Shell dans Metal Gear Solid 2. Ne serait-ce pas un peu triste de vaporiser toutes ces interprétations par une simple hypothèse « Venom Snake n'est que Big Boss schizophrène » ? « This is good... Isn't it? »
Le gameplay de Metal Gear Solid V met le joueur au cœur de l'action grâce à un gameplay aux petits oignons, une liberté sans pareille et des plans séquences très étudiés. « Ce que je voulais avant tout [avec les plans séquences], c'était une très grande proximité entre le joueur et son personnage » nous expliquait Hideo Kojima lors de son passage à Paris en mars 2014. Dès lors, ne serait-ce pas plus intéressant que le scénario du jeu rende également hommage au joueur en faisant de lui le héros de l'histoire et l'un des protagonistes les plus importants et essentiels dans la légende de Big Boss ? Faire de Big Boss un personnage schizophrène à la fin du jeu, quelques minutes après le premier twist, ne serait-il pas un retour brutal en arrière évident ? Metal Gear Solid V ne deviendrait-il pas jeu à double vitesse entre son gameplay totalement dévoué au joueur et son histoire cloisonnée au véritable Big Boss ? Ne serait-ce pas un retour vers un MGS plus conventionnel, alors que jusqu'alors, les centaines d'heures de MGSV nous avaient offert une expérience libre et totalement différente des autres épisodes de la série, en la révolutionnant ? (28) « Je l'ai déjà dit à plusieurs reprises, mais je comprends pourquoi les joueurs aiment Snake et l'admirent » expliquait Hideo Kojima en mars 2015. « En réalité cependant, Snake n'a jamais été autre chose que l'extension du joueur, son alter ego. Du coup, j'ai cette fois décidé sciemment de rapprocher encore plus Snake de la perspective du joueur. Autant que possible, les actes de Snake seront basés sur les choix du joueur plutôt que de réaliser des commentaires spontanés ou flirter avec des femmes. En fait, cette fois, Snake ne va pas vraiment s'exprimer. "MGSV : TPP" est un jeu en Open World qui se focalise sur la faisabilité de donner au joueur la possibilité de choisir les actions de Snake. Snake sera un protagoniste plus silencieux un peu comme l'est Mad Max dans Mad Max 2. Ce sont les personnages autour de lui qui vont raconter l'histoire. » Mais peut-être bien que Hideo Kojima a laissé volontairement planer le doute sur l'identité de Venom Snake. De cette manière, Hideo Kojima donne peut-être le soin aux joueurs de choisir eux-mêmes ce qui leur plaît de vivre ou non dans Metal Gear Solid V : The Phantom Pain. Car il sait par expérience que quelle que soit l'explication qu'il apportera, elle ne plairait pas à tous les Big Boss que nous sommes. Et puis, après tout, la saga Metal Gear ne repose-t-elle pas sur le rêve de The Boss et les différentes interprétations des personnages faites à son sujet ? L'intérêt d'un nouveau personnage comme Venom Snake et d'une fin telle que Metal Gear Solid V réside dans le fait qu'on ne sait pas répondre à de nombreuses questions de manière arrêtée, définitive et limitée. Le fait que The Phantom Pain ne boucle pas la série de la même manière que Metal Gear Solid 4 (où toutes les questions ont trouvé une réponse) est-il véritablement un défaut du jeu ? Non, bien au contraire ! La fascination des mystères du possible, le débat analytique et philosophique nous permettent de faire preuve d'imagination. Non seulement cet exercice nous donne l'occasion de progresser et de nous cultiver, mais aussi il nous permet de nous approprier la série Metal Gear, comme le souhaitent Hideo Kojima et son équipe dans cet ultime épisode. Alors, quel que soit votre camp, n'oubliez pas le plus important : « Les faits n'existent pas, il n'y a que des interprétations. » Notes
Références du livre « 1984 »
1984 par George Orwell - Éditions Gallimard – Collection Folio n° 822 (juin 1983) – 1950, pour la traduction française. 448 pages.
George Orwell1984Moby Dick StudioJoakim MogrenHitori NijimaManabu MakimeKiefer SutherlandMetal Gear Solid 5Metal Gear Solid VMetal Gear Solid 5 The Phantom PainMetal Gear Solid V The Phantom PainThe Phantom PainMetal Gear Solid Ground ZeroesHideo KojimaKojima ProductionKojima Productions
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